Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 20.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mulet ; les olives entassées dans une pile ronde y sont écrasées et agglomérées en une pâte que l’on soumettra à l’action de la presse. Dans cette première opération, à moins que les olives ne soient tout à fait supérieures, il s’exprime peu d’huile. La pâte est alors déposée dans des scourtins, que l’on réunit par trentaine sous les presses : c’est l’opération de l’ « encalassage ». La réunion de 30 scourtins porte le nom provençal de « cambo » ; c’est une désignation analogue à celle de « cep » qui, dans certains départements viticoles, est donnée à la réunion dans le pressoir d’une même masse de raisin à presser. Le cambo est alors soumis à l’action de la presse qui est actionnée par une énorme barre manœuvrée par un mouvement de va-et-vient à bras d’hommes. La manœuvre parait aisée au début, mais à mesure qu’agit la presse la résistance est plus forte, souvent 10 hommes et plus sont nécessaires pour serrer à fond les presses et exprimer de la pâte onctueuse les dernières gouttes de jus. Cependant, de toutes parts, coule en flots d’or l’huile parfumée, recueillie dans les flancs de jarres phénoménales où elle doit reposer quelques jours avant d’avoir acquis son bouquet.

En somme, les opérations de l’olivaison sont identiques à celles des vendanges : le raisin est passé au moulin comme l’olive à la meule ; la rape, sous forme d’agglomération pâteuse, est réunie en cep comme la pâte d’olive en cambo ; enfin, dans les deux cas, la presse, avec sa grande barre de fer, fonctionne de façon à peu près semblable. Quant à la répartition du travail et à la spécialisation des ouvriers, la même remarque doit être faite.

L’olivaison terminée, commence, pour les négociants en huiles, le travail le plus délicat de leur industrie. L’expérience a démontré, en effet, qu’une livraison régulière et toujours de qualité identique est la condition primordiale de la stabilité de la clientèle ; or les goûts des consommateurs sont très variables et telle région de la France ou de l’étranger demande des huiles d’un arôme, d’une limpidité, d’une couleur qui différent de l’arôme, de la limpidité, de la couleur convenant à telle autre région. Il devient donc nécessaire d’établir parmi les huiles récoltées une classification rigoureusement exacte, d’après la nature du sol et la constitution des oliviers. C’est l’œuvre du négociant lui-même ou de commis expérimentés, œuvre qui nécessite, on le conçoit, une longue pratique ; ce classement ne saurait, d’ailleurs, être entrepris que lorsque l’huile, à la suite d’un filtrage complet, a acquis une limpidité parfaite. Les nombreuses piles fixes qui renferment les différentes huiles après ce classement sont méthodiquement rangées dans de vastes salles appelées « estives ». L’estive est le cellier de l’oléiculteur et des estives de Salon coulent des huiles réputées qui, en bouteilles, estagnons ou bonbonnes, partent chaque jour à destination du monde entier.

Ces expéditions entraînent l’établissement de toute une industrie très active, qui fonctionne à côté des estives : scieries à vapeur ou mues par l’eau, où se fabriquent les caisses pour l’emballage des bouteilles, ateliers de tonnellerie retentissant sous les coups répétés des outils, fabriques d’estagnons où les ferblantiers manient sans relâche les feuilles brillantes et souples, vastes établissements où, par centaines, les jeunes ouvrières tressent l’osier qui servira de berceau aux bon bonnes de verre, ou la paille qui protègera de la chaleur les fûts expédiés au loin. L’intérêt est sans cesse éveillé par la visite de toutes ces manufactures, qui sont pour la ville une source de remarquable prospérité.

SALON. ATELIERS DE TONNELLERIE.

On juge de l’animation extrême qui règne partout et notamment sur les quais de la gare des marchandises, où les expéditions se comptent par centaines de mille chaque année tant en grande qu’en petite vitesse, où le nombre des wagons ainsi chargés dépasse très largement 50 000 et le tonnage 100 000 tonnes ; au bureau d’enregistrement, où les timbres d’effets de commerce délivrés aux industriels se comptent par millions ; aux banques où les émissions et encaissements d’effets sont innombrables ; à la poste enfin dont l’activité est fébrile.