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telée et la déchéance militaire était complète lorsqu’en 1643 le roi Louis XIII érigea les Baux en marquisat en faveur d’Hercule de Grimaldi, prince de Monaco, dont les descendants en conservèrent la possession jusqu’à la Révolution.

LES BAUX. RUINES DE LA MAISON DE LA TOUR DE BRAU (page 305). — CLICHÉ J. SERRE, À SAINT-CHAMAS.

De nombreuses légendes se rattachent à l’antique principauté. Au plus profond de la Grotte des Fées, trois sorcières retiennent captive une merveilleuse Chèvre d’or (la cabro d’or) gardienne elle-même d’un trésor enfoui sous les rochers par les Sarrasins. La montagne fut jadis le théâtre des exploits de Jean de l’Ours, héros des contes de veillées, sorte d’Hercule provençal, fils d’une bergère et d’un ours qui l’avait enlevée, et qui avait pour compagnons deux aventuriers d’une force fabuleuse, Arrache-Montagne et Pierre-de-Moulin. On entend parfois le tintement de la grosse cloche d’argent, immergée depuis des siècles au fond d’une citerne. À l’heure suprême de l’agonie de la princesse Alix avec laquelle disparut la race héroïque des Baux, une étoile descendit du ciel sur la vieille tour du château, pénétra dans la chambre de la malade, brilla d’un éclat fulgurant et s’éteignit à l’instant où la moribonde rendait le dernier soupir.

LES RUINES AUX FORMES TOURMENTÉES ET BIZARRES DES BAUX (page 304).

Suivant une ancienne tradition, la fête patronale de Saint-Vincent était célébrée en grande pompe avec le concours de l’Abbé de Jeunesse, intendant des jeux, fêtes et divertissements. Cet abbé présidait à la Plantation du Mai devant l’église par les bouquetiers et prieurs de Saint-Marc, et à la distribution des Torques (gâteaux à l’huile) le jour des Rogations. Il marchait en tête du cortège lors de la fête du Char de Saint-Éloi.

LES BAUX. RUINES DU CHÂTEAU (page 305). — CLICHÉ J. SERRE, À SAINT-CHAMAS.

Le plus touchant de ces usages, « l’offrande des bergers à la messe de minuit » s’est continué depuis le xvie siècle, et la Corporation des Pâtres lui demeure toujours fidèle. « Deux prieurs bergers président la cérémonie et la dirigent en suivant l’antique cérémonial transmis par leurs ancêtres. Au moment de l’offrande, un dialogue chanté s’engage entre un berger place au bas de l’église et un personnage qui, dissimulé derrière le maître-autel, remplit le rôle d’un ange mystérieusement invisible annonçant la bonne nouvelle. Nous voyons alors s’avancer, précédé du tambourin et du galoubet, un groupe de bergers, un petit cierge à la main, couverts de leur grand manteau brun et des bergères enveloppées dans la vieille mante provençale. Quelques-unes, les prieuresses, sont coiffées de garbalin, sorte de bonnet conique assez haut, orné de dentelle et garni à son sommet de fruits et de pâtisseries. Les autres portent, suspendues à leur ceinture par des écharpes aux couleurs variées, des corbeilles joliment décorées, et remplies de toutes sortes de présents à offrir à l’Enfant-Dieu. Devant elles roule un petit char rustique en bois d’olivier, au dôme surmonté d’une bannière aux armes des Baux ; il est délicatement sculpté au couteau et orné de nombreuses chandelettes. Traînée par un bélier bien encorne et choisi naturellement parmi les plus beaux des troupeaux environnants, cette voiture minuscule contient un petit agneau de lait, bien blanc et tout enrubanné de couleurs tendres. Le cortège arrivé à l’autel, le prieur de la corporation prend l’agneau dans le char, fait la révérence à l’autel, baise la patène que le prêtre lui présente, et simule l’offrande de la mignonne petite bête qu’il remet après force saluts à la bergère.