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chargés d’émigrants délaissent Table-Bay pour faire voile vers Melbourne ou Sydney. Le climat du Cap est cependant admirable ! toutes les maladies endémiques, le choléra, la fièvre jaune, y sont inconnues. On y voit les arbres et les fruits d’Europe à côté de toutes les productions des tropiques. L’air y est d’une pureté si reconnue, que le fameux Herschell vint d’Angleterre avec ses instruments s’y établir, afin de poursuivre ses observations astronomiques. Nous sommes en plein hiver ; et, sauf les feuilles qui manquent aux arbres et la longueur des nuits, nous pourrions nous croire dans un été d’Europe.

À quelques lieues de Cape-Town se trouvent plusieurs villages, Fransche-Hoeck, la Paarl, jadis uniquement occupés par des Français, émigrés à la suite de la révocation de l’édit de Nantes. Mais ces Français sont devenus complétement Hollandais : au bout de quelques générations, ils ont oublié leur langue et perdu le souvenir de leur patrie. Là, on rencontre des Hugo, des Rousseau, des Malherbe, des de Villiers, un du Plessis-Mornay, auquel l’empereur Napoléon Ier proposa, dit-on, de revenir en France, et qui refusa, préférant sa ferme et ses habitudes rustiques à sa patrie et au rôle que devait jouer en France le descendant d’un des héros de la Henriade.

Ce sont ces réfugiés qui ont introduit dans le pays la culture de la vigne. Presque tous les plants viennent de France. Le vin du Cap est fort bon, et, ainsi que celui de Ténériffe, se vend dans le commerce sous le nom de vin de Madère. Le cru seul de Constance ne perd point son nom, et jouit dans tout le monde d’une juste renommée.

Nous arrangeons, un matin, la partie obligée de Groot Constantia. M. Cloëte et sa famille nous font l’accueil le plus gracieux, et nous offrent un lunch copieux. Pour reconnaître cette bonne hospitalité, Besplas photographie la villa de Constance et la famille de M. Cloëte. Il offre le résultat de son travail au bon vieux père, qui fêta jadis si bien l’ambassade de M. de Lagrené. Après une heure passée dans le salon en compagnie de Mme  et de Mlles  Cloëte, heure employée à d’agréables causeries, nous visitons le magnifique cellier ; nous dégustons les quatre espèces de vin, le frontignan, le pontac, le constance blanc, le constance rouge ; nous allons voir les vignes.

Il n’y a que trente acres de terre qui produisent le constance[1].

M. Cloëte n’est point satisfait des nègres qu’il emploie ; il veut faire venir des vignerons de France. La maison, à l’extérieur est des plus simples. Tout alentour se trouvent de longues rangées de beaux chênes ; par derrière se déroule la montagne de Constance, que l’ambassadeur (M. le baron Gros), en vrai paysagiste, admire, même après avoir vu la montagne de la Table. De la terrasse, on aperçoit la mer et la rade de Simon’s Bay.

M. Cloëte n’est point le seul à cultiver le constance. MM. Van Beynet et Collyn partagent avec lui cette bonne fortune. Mais M. Cloëte, par sa grande obligeance et par ses sympathies pour la France, a pour clients tous les marins et les diplomates français. Chacun de nous emporte donc à bord sa petite provision.

De Constance, on peut aller à cheval presque jusqu’au sommet de la montagne de la Table.

Mis de Moges.




TRADITIONS RELIGIEUSES DE LA POLYNÉSIE.


COSMOGONIE TAHITIENNE[2].
(Document inédit.)


LÉGENDE DE MAUI [3].

Atarea était son père, Huahea sa mère ; ils étaient d’une terre sous le vent, de Toa-reva[4] : il leur naquit Maui, celui qui devint si célèbre à Fareana. Maui prit pour femme Hinahina-toto-io.

Le Soleil se levait sur Toa-reva et il ne s’écoulait pas un long temps que déjà il déclinait à l’horizon ; ce qui mettait Maui en colère parce que sa mère était obligée de manger l’ape et le taro crus[5] ; et, à cause de son amour pour elle, il était chagrin de voir ses lèvres enflammées par l’ape et le taro crus ; le temps manquait pour chauffer le four, tant la course du Soleil était rapide.

  1. Il n’y a que deux fermes sur le terroir de Constance ; ces fermes sont de belles et spacieuses habitations ou l’on trouve le luxe parisien associé au comfort anglais. La première est connue sous le nom de Grand-Constance (Great Constantia) : le clos a été planté vers 1686 ; les bâtiments ont été reconstruits, en 1790, par l’aïeul de M. J. P. Cloëte, le propriétaire actuel. Le vignoble a une superficie de 13 hectares. Le produit annuel est de 20 à 25 leggers (de 115 hectol. 7 lit. à 143 hectol. 7 lit.), dans les bonnes années, et de 17 a 20 leggers (de 97 hectol. 81 lit. à 115 hectol. 7 lit.), quand la récolte est ordinaire. (Natalis Rondot.)
  2. Suite et fin. — Voy. p. 10.
  3. L’antique Panthéon égyptien renferme un Dieu solaire du même nom Maui ou Mawi ; et il ne faut pas un grand effort d’étymologie pour retrouver dans la Minerve polynésienne Hina la grande déesse des bords du Nil, Néith, dont les Grecs ont fait leur Athénè.
  4. Tonga-reva, en rétablissant l’ancienne prononciation ; on peut remarquer qu’ici, comme dans d’autres légendes, la tradition se rapporte à une terre sous le vent.
  5. Ape, arum cortatum ; taro, arum esculentum.