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plusieurs autres, n’auront pas été lus sans doute avec indifférence : ce sont des récits qui méritent d’être relus et conservés. Parmi les relations de premier ordre qui entreront dans notre deuxième volume, nous pouvons annoncer, dès à présent, le grand voyage du docteur Barth au centre de l’Afrique, la relation de la découverte des lacs de l’Afrique orientale par Burton et Speke, le voyage au royaume d’Ava par Henri Yule, le journal de M. Guillaume Lejean qui remonte en ce moment le Nil, celui de Hadji Iskander (baron de Krapt) qui parcourt le pays des Tibbous, le voyage inédit de Mme Ida Pfeiffer à Madagascar, un voyage au mont Athos, etc., etc.

Nous avons insisté sur ce programme de notre rédaction, parce que nous ne voulons pas nous laisser atteindre par le préjugé qui porte quelquefois à négliger la lecture des recueils « illustrés », pour ne prêter d’attention qu’à leurs gravures. Notre ambition est qu’on trouve à nous lire plaisir et profit.

Il paraîtra naturel toutefois que nos efforts tendent à donner aux gravures du Tour du monde une importance égale à celle du texte même. Si dans les œuvres poétiques ou romanesques les gravures ne sont qu’un ornement, dans les relations de voyage elles sont une nécessité. Beaucoup de choses, soit inanimées, soit animées, échappent à toute description : les plus rares habiletés du style ne parviennent à en communiquer à l’esprit des lecteurs qu’un sentiment vague et fugitif. Mais que le voyageur laisse la plume, saisisse le crayon, et aussitôt, en quelques traits, il fait apparaître aux yeux la réalité elle-même qui ne s’effacera plus du souvenir.

De tout temps, les éditeurs de voyages ont compris cette incontestable utilité des « illustrations. » Mais presque toujours leur bonne volonté a été mal servie. Les peintres du moyen âge, trompés par les fantaisies de leur imagination ignorante, mêlaient d’incroyables extravagances aux récits déjà exagérés et obscurs des voyageurs. La méfiance et l’incrédulité dont furent si longtemps à triompher les narrations de l’illustre Vénitien Marco Polo et de quelques autres voyageurs très-estimables des douzième et treizième siècles, eurent certainement en grande partie pour cause les divertissantes, mais folles inventions des miniaturistes chargés de les interpréter. Aux quinzième et seizième siècles, on trouve, dans les dessins de voyages, beaucoup d’art et plus de vraisemblance, mais encore assez peu de fidélité : les planches de la précieuse collection des « grands et petits voyages, » si souvent réimprimées, ne reproduisent pour la plupart que des types de pure imagination. Au dix-huitième siècle, les artistes qui avaient accompagné Cook dans ses trois voyages donnèrent, à leur retour, des imitations le plus souvent inexactes des indigènes qu’ils avaient eus sous les yeux. Il ne faudrait pas même remonter si haut pour montrer combien de fois les auteurs de dessins joints à d’excellents textes ont encouru trop justement le reproche ou d’inhabileté à bien voir, ou d’insouciance de la vérité.