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le politique en lui achevait le guerrier. Il avait tous les prestiges de l’homme, du capitaine et du roi.

Christian IV mourut en 1648, après soixante années d’empire.

Dans les derniers temps de son règne, il montra autant de courage que dans sa jeunesse, mais moins de prudence et de vigueur d’esprit. La direction des affaires fut moins ferme. Il sembla fléchir un peu, soit dans sa cour, soit en Europe. Il se conduisit mal avec Christine Munch. Il subit le sort de presque tous les hommes, surtout des hommes politiques. Dans l’histoire, les vieux rois baissent. Ils s’usent comme leurs monnaies, dont à la longue les effigies s’effacent. Christian, du moins, quoique diminué, resta grand, et l’on reconnaissait encore ses traits héroïques sur le métal de sa vie.

De Frédériksbord nous avons poursuivi, à travers les bois semés de lacs une route délicieuse jusqu’à Hirschholm, un château bâti à l’honneur d’une reine, Marie-Madeleine et tombé par la condamnation d’une autre reine, Caroline-Mathilde, plus malheureuse que coupable. Nous nous sommes engagés parmi les merveilles des arbres et des eaux. Nous avons côtoyé le lac de Frédériksdal, un arc de turquoise entouré de hêtres ; l’église de Sollre, qui surplombe un lac du même nom ; le village de Nœrum, une oasis de fleurs dans une oasis de forêts ; puis nous sommes entrés dans le parc royal, dont le château — l’Ermitage — est un rendez-vous de chasse.

Cour intérieure du château de Kronborg. — Dessin de Thérond.

Nous avons parcouru tout le parc ; nous en sommes sortis par la porte qui longe la mer. Nous avons débouché sur cette route en face de l’île d’Hveen. Elle est d’un bleu divin, la mer de Tycho-Brahé. Aussi l’aimait-il tant, qu’il ne savait lequel contempler le plus, du firmament ou du Sund.

Nous sommes arrivés de maisons de pêcheurs en maisons de pêcheurs à Klampenborg, puis de jardins en jardins à Copenhague.

C’est là que je me suis séparé de M. de Moltke, qui retourne quelques jours en Fionie pour revenir sans retard à son poste parlementaire ; car l’exactitude est un devoir pour lui et un patriotisme. Son amitié délicate et sa conversation pleine d’expérience vont me manquer beaucoup. Du reste, j’ai bien éprouvé l’agrément de tout ce que je perdais en le quittant. Lui, ne paraissait pas moins touché, et sa courtoisie habituelle était plus émue. Il m’a laissé dans les yeux et dans le cœur l’image de l’un des plus nobles médaillons humains que j’aie rencontrés jamais.

J’ai repris ensuite ma route vers Elseneur. Ce pays de Séeland est ravissant. Pas d’eaux courantes, mais,