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Premiers essais de déchiffrement de l’écriture cunéiforme. — Grotefend. — Progrès ultérieurs. — Eugène Burnouf. — Lassen. — Rawlinson. — Inscriptions trilingues. — Trois espèces d’écritures cunéiformes : l’écriture persepolitaine, l’écriture médique et l’écriture babylonienne. — Les inscriptions persépolitaines sont complétement déchiffrées et traduites.

La première impression que l’on éprouve en présence des travaux dont les écritures cunéiformes ont été l’objet, et des résultats dont ces travaux ont été couronnés, est un sentiment d’admiration. Voici une inscription tracée en caractères bizarres, sans la moindre analogie avec aucun alphabet connu. Tout s’y réduit à un signe unique, un trait en forme de coin ou de cône très-allongé, et ce signe, combiné de diverses façons, forme un grand nombre de groupes différents. Ces groupes figurent-ils des lettres ou des mots entiers comme dans nos écritures alphabétiques, ou bien ne serait-ce que des signes figuratifs comme les caractères de l’écriture chinoise ? on l’ignore. On n’a pas non plus le moindre indice de la langue dans laquelle l’inscription est conçue. C’est l’inconnu à sa troisième puissance.

Voilà dans quelles conditions se présente le problème.

Cet effrayant problème, un savant hanovrien, Georg Friedrich Grotefend, ne craignit pas de l’aborder. C’était en 1802.

Et non-seulement il l’aborda, mais il en trouva la solution.

Il est à peine besoin d’ajouter que, dans une pareille recherche, on n’a pu procéder que par voie d’analyse et de décomposition ; mais Grotefend y fut guidé par une sagacité et une pénétration qui ont quelque chose de merveilleux. À certains indices qui se trouvèrent justifiés par le résultat, l’aventureux instigateur crut reconnaître, dans celle des inscriptions de Niebuhr à laquelle il s’était attaché, la place occupée par des noms propres ; et par un second prodige de divination, il supposa que deux de ces noms pouvaient être ceux de Darius et de Xercès. C’est ce qu’en arithmétique on appelle une règle de fausse position. Il y avait cent chances contre une que ces suppositions n’aboutiraient pas ; elles se trouvèrent justes. Grotefend avait trouvé la base. C’est en effet par les noms propres, et par eux seulement, qu’il est possible d’arriver à la restitution d’une écriture inconnue. Par la lecture d’un nom propre on détermine des lettres, par les lettres on recompose des mots, par les mots on arrive à reconnaître la langue, et la langue une fois retrouvée devient à son tour un puissant instrument de vérification et de lecture. Voilà, dans son expression la plus simple, tout le mécanisme de ces étonnantes restitutions devant lesquelles, quand on n’en voit que le résultat final, l’intelligence reste confondue. Mais avant de l’atteindre, ce