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d’ouest soulève des tempêtes sur cette côte inhospitalière. Ces ports sont Quilon, Cochin, Goa et Bombay, qui servent d’entrepôts au commerce de l’Inde. Aussi les nations européennes s’en sont-elles longtemps disputé la possession avec acharnement. Depuis soixante ans les révolutions, qui se sont succédé en Europe et dans l’Inde, ont rendu l’Angleterre presque exclusivement maîtresse de ce vaste continent où la France ne conserve plus que quelques points isolés.

L’intention de l’administration anglaise est de relier la presqu’île indienne par un réseau de chemins de fer, dont les coordonnées se couperont sous différents angles, et formeront un vaste échiquier qui lui permettra de surveiller facilement son immense empire.

Déjà Calcutta et Madras sont en rapport par des voies ferrées qui contournent le golfe du Bengale : les deux capitales servent de point de départ à deux autres branches qui pénètrent dans les bassins arrosés par le Gange, le Godavery, le Crishna, et dans les plaines du Mysore. Ces voies se prolongeront de façon à se relier avec les chemins occidentaux. Le chemin de Bombay, après avoir traversé les îles de Bombay et de Salsette, pénètre sur le continent au moyen d’un viaduc, et se dirige sur Kalyan, où il se ramifie : une de ses branches se dirige de la vers le nord-est, et la seconde vers le sud-est ; la branche du nord-est subit ensuite elle-même une nouvelle bifurcation.

Le premier tronçon du nord-est dessert les bassins du Tapti et de la Nerbonda, se dirige vers Selgaon, Nagpour, et rejoint le chemin oriental de Calcutta vers Sabalpore. Le second tronçon se sépare du premier entre Bhosawah et Selgaon, et dessert les districts du Bérar, situés au sud du premier parcours ; il s’enfonce ensuite vers l’est en se dirigeant vers Omrawati ; il doit rejoindre à Nagpour le chemin de Calcutta.

La brauche qui se dirige de Kalyan prend la direction du sud-est, traverse les versants occidentaux de la chaîne des Ghâtes. Rien de plus hardi que les travaux qu’il a fallu construire pour faire surmonter à la voie ferrée ces montagnes aux pentes abruptes et pour pénétrer jusqu’à Pounah. Cette branche se dirige de Pounah sur Kholapore, d’où elle atteint les plateaux du Deckan ; elle doit rejoindre le réseau de Madras.


II

Idiomes et populations de la côte de Malabar. — Les Mahrates, les Bhills, les Gondes. — Les parias et les gens sans castes.

Les nations qui habitent la côte de Malabar tiennent à tant de souches différentes, et professent des religions si diverses, que cette côte offre à l’observateur une partie des types de l’Inde entière. Quelques-unes de ces religions prennent leur point de départ dans le panthéon indien, tandis que d’autres tirent leur origine des livres sacrés des hébreux et de ceux des chrétiens. Les religions de Mahomet et de Zoroastre y ont aussi leurs représentants. Les familles juives de cette côte prétendent s’être échappées de la Palestine au temps de Titus.

La population indoue de la côte de Malabar peut se diviser en cinq grandes fractions qui portent les noms de Nayrs ou Naymans, de Kouragas ou Kondagours, de Toulouvas, de Kanaras et de Concanis.

Les trois premiers groupes parlent des langues dravidiennes et on peut les regarder comme autochtones, tandis que les deux derniers se servent de langues issues du sanscrit et doivent se rattacher aux Aryens.

Outre les peuples sédentaires ou ceux qui ont une origine et une religion plus ou moins bien connues, l’Inde, et la côte de Malabar en particulier, est habitée par un grand nombre de populations divisées entre elles par des langues qui ne se rapportent ni au sanscrit ni au tamoul, et qui ont des coutumes différentes. Pour donner une idée de la diversité de ces races, il suffit de savoir que les Anglais sont parvenus à distinguer cinquante-deux tribus différentes, seulement parmi les peuples qui habitent la présidence de Bombay.

Les plus nobles de ces tribus sont les Bhills et les Gondes ; les Sontals, qui se rattachent aux anciens Autochthones du nord ; les Garols, qui ont eu aussi leurs rajahs et un pouvoir indépendant. Les tribus parias viennent après ces groupes. Elles se nomment, aux environs de Bombay, Warali, Shalodis, Mahars, Ramosis-Col et Couli. Quelques-uns de ces parias adorent Siva et Cali.

D’autres sauvages habitent les Ghâtes au-dessus des provinces de Concan et de Canara ; ils sont souvent vassaux des Nayrs, et tiennent d’eux des terres à fermage ; car, sur cette côte, la propriété était individuelle, contrairement aux usages établis ailleurs où le sol appartient au gouvernement. Cette coutume indique assez une donnée sociale différente.

Les sauvages qui vivent dans les forêts portent les noms de Cadou-Kouroubasous, Malaï-Condiarous, Iroulers, Soligurous. Quelques-unes de ces populations sont presque blanches comme les Malaï-Condiarous, et ces faits compliquent le problème de l’anthropologie indoue. Outre les moissons qui viennent dans leurs montagnes, ils exploitent les forêts et abattent les arbres de teck ; ils tirent du palmier une boisson enivrante.

Ils adorent des démons nommés boutans, qui personnifient les éléments ; ils passent pour sorciers et sont adonnés à la paresse. Très-unis entre eux, ils forcent les habitants des villes à les traiter avec quelque humanité, parce qu’ils se rendent tous solidaires des mauvais traitements que subit un des leurs, et abandonnent immédiatement la localité où l’un des membres de leur communauté a eu à souffrir de quelque injustice.

On prétend que jadis ces sauvages saisissaient quelquefois les voyageurs écartés, et les sacrifiaient en les enterrant tout vifs et leur mettant sur la tête des charbons enflammés jusqu’à ce qu’ils fussent morts.

Lors des guerres du Nizam et du Mysore, ils servaient de guides aux armées du sultan Tipoo, quand il venait à Mangalore. Ce prince, frappé de leur nudité, leur fit proposer de leur envoyer des vêtements ; mais ils le firent prier de vouloir bien leur permettre de vivre comme avaient vécu leurs pères.

Ces sauvages ont aujourd’hui des mœurs assez pai-