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cèlent suffisamment que l’église primitive, dotée d’un transept, avait la forme léguée aux anciens temples du christianisme par les édifices civils des Romains. Mais comment entendre la disposition du grand autel et de l’autel du milieu de l’église ? Ne faut-il pas comprendre que le premier était au fond de l’abside, et le second à la rencontre du transept et de la nef, sur la place ou les coupoles s’élevèrent plus tard ? Voilà l’image complète d’une basilique latine. »

Dans les caveaux de l’église sont enterrées les abbesses de Quedlinbourg ; on s’y arrête malgré soi devant la dépouille mortelle de la belle Marie-Aurore de Kœningsmark, aimée d’Auguste le Fort, roi de Pologne, mère du maréchal de Saxe. Son cadavre est momifié et dans un état parfait de conservation, ainsi que ses vêtements garnis de nombreuses dentelles dont elle aimait à se couvrir. C’est un spectacle navrant. Pour quelques pièces de monnaie, le concierge du château enlève le couvercle du cercueil.

Le château date de plusieurs époques et n’offre pas le moindre intérêt ; les appartements sont nus, blanchis à la chaux, et ne renferment que quelques mauvais portraits au pastel ; dans une rue voisine, on remarque une maison d’aspect pittoresque : c’est là que naquit Klopstock, en 1724.


IV
Environs de Quedlinbourg. — Blankenburg. — Le Teufelsmauer ; le château de Blankenburg. — Le Regenstein. — Le Hoppelberg ; panorama. — Montagnes volcaniques. — Rochers de l’Ermite.

Les environs de Quedlinbourg ont un aspect gai et animé. On arrive à Blankenburg par de charmants sentiers le long de plusieurs ruisseaux qui serpentent capricieusement et se jettent dans la Bode.

Blankenburg est moins pittoresque que les autres localités que j’ai visitées, malgré le Teufelsmauer ou la muraille du Diable. La ville est vivante et les promenades sont jolies, mais le château qui la domine est d’un aspect lourd et massif et n’offre pas grand intérêt ; il appartient actuellement au duc de Brunswick. Mon hôte m’assura que le roi Louis XVIII l’a habité en 1798 ; il voulut même m’accompagner au château pour me faire donner des renseignements exacts sur ce sujet ; il y mit une insistance extrême, et j’eus beaucoup de mal à lui faire comprendre que sa parole me suffisait parfaitement. Je lui demandai en échange une visite aux ruines de Regenstein.

Ce château fort, perché au sommet d’un rocher escarpé, a été bâti en 919 par Henri l’Oiseleur. Aujourd’hui, l’édifice et le rocher ne forment plus qu’une masse de pierres qui se confondent (voy. p. 72). La couleur uniforme du paysage rappelle ces nombreuses ruines grisâtres que l’on rencontre dans le midi de la France.

Plus loin, on aperçoit le Hoppelberg ou montagne du Cercueil, appelée ainsi à cause de sa forme étrange. C’est le point le plus élevé du Harz inférieur ; l’ascension en est facile, et l’on y découvre du côté du nord le Broken et un horizon très-étendu.

En descendant la montagne de ce côté on arrive à un singulier assemblage de rochers qu’on appelle les montagnes volcaniques et qui ressemblent à des dunes colossales ; un rocher bizarre et isolé termine cette chaîne de montagnes. Vers le soir, ou par un temps sombre, cette grande ligne dentelée qui fuit à l’horizon semble se continuer à l’infini, assombrie par les bandes grises du ciel qui donnent au paysage un aspect triste et sévère. Au retour, mon guide s’égara dans ces vallées innombrables et la nuit arriva avant que nous nous fussions orientés. Heureusement le bruit d’une voiture nous ramena vers la route qui devait nous conduire à Blankenburg après une rude journée de marche.

Le lendemain, j’allai visiter les rochers de l’Ermite qui se trouvent dans la même direction. Ces énormes blocs dénudés ont un caractère monumental. Lorsqu’on les voit en plein soleil, par une journée brûlante, on pourrait se croire transporté en Orient devant une de ces vieilles constructions couvertes d’inscriptions hiéroglyphiques (voy. p. 73).


V
La Rosstrappe. — Effet d’un beau jour. — Légende. — Descente de la montagne. — Vallée des sorcières. — Superstition des paysans du Harz. — L’Hexen-tanz-platz. — Symphonie imaginaire. — Retour à Thale.

Visite à la Rosstrappe par un temps admirable ; les nombreuses caravanes se mettent gaiement en route ; la journée promet d’être belle. Le ciel est d’un bleu clair, les feuilles luisantes des arbres reflètent une partie de cette lumière fine et scintillante. La nature entière paraît joyeuse : c’est une de ces journées exceptionnelles où il semble que tous les hommes sont bons et heureux. Une cigogne perchée sur une cheminée regarde d’un air grave et soucieux ces groupes qui passent, au-dessous d’elle, la gaieté au cœur. Des moineaux, qui ont élu domicile dans son nid et qui se débattent et crient auprès d’elle, ne parviennent pas à détourner son œil attentif et fixé d’un air résigné sur ces scènes de bonheur qui l’entourent.

Le chemin qui conduit à la Rosstrappe est roide mais facile. Lorsque nous fûmes arrivés à la partie la plus élevée, le guide nous montra une empreinte qui à la forme d’un fer à cheval et qui a donné à cette localité le nom de Rosstrappe (voy. p. 59).

La princesse Hildegarde habitait avec son père un château des environs de la Bode ; cette jeune fille était d’une grande beauté et d’un caractère hardi. Elle aimait à faire de longues courses montée sur son cheval favori. Un jour qu’elle s’était approchée d’une grotte habitée par un géant, celui-ci, qui l’avait déjà épiée plusieurs fois, eut la mauvaise pensée de la poursuivre. Le cheval de la princesse, lancé à toute vitesse, franchit d’un bond la vallée et alla retomber sur une énorme pierre faisant saillie sur le précipice. Les deux jambes de der-