Page:Le Tour du monde - 09.djvu/126

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cune hauteur même, qui permettent aux regards curieux d’en dominer l’immense panorama.

L’enceinte de ses hautes murailles, qui l’enserrent de tous côtés, n’offre aux yeux du voyageur qu’un vaste paravent projetant son ombre sur des fossés profonds et sur les misérables ruelles des faubourgs. Pour se rendre compte de l’aspect général de cette grande cité, il faut se placer sur un point culminant.

Que le lecteur veuille donc bien nous suivre un moment sur les remparts de la ville.

Descendons, au sortir de la légation française, la rue de Toun-tian-mi-tian qui nous conduira en quelques minutes à la Porte de l’Empereur (Hai-tai-men) ; nous la franchissons par ses voûtes souterraines, et nous tournons à gauche dans la grande avenue qui sépare la ville mantchoue de la ville chinoise. C’est une large chaussée dallée, bordée d’un côté par de hautes murailles, de l’autre par des fossés pleins d’eau. En traversant un large canal sur un pont de pierre, nous arrivons à la Petite-Porte de l’est (Tong-pienmen) située à l’extrémité de la ville chinoise qui déborde l’angle sud-est de la ville mantchoue. Montons le talus en pente douce qui se présente devant nous : nous voici sur le terre-plein des remparts !

Quel magnifique panorama, et quelle étrange perspective pour les yeux d’un Européen habitué aux hautes maisons carrées, aux monuments réguliers, et à la monotonie de la couleur grise des édifices de toutes nos grandes villes !

Pékin : Vérandah de la légation anglaise. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Le ciel d’un azur profond, le soleil étincelant projettent de grandes ombres d’un noir opaque ; çà et là des rayons de lumière éclatante, glissant sur les tuiles vernissées, font ressortir comme des taches le jaune d’or, le bleu lapis, le rouge vermillon, qui se mêlent, qui se heurtent au vert sombre des cèdres, au pâle feuillage des robiniers.

Les pagodes, les temples, les kiosques, les tours, les portiques, se tordent en spirales, se dressent en lames recourbées, s’arrondissent en boules, s’élèvent en pointes aiguës et dentelées au milieu des troncs dénudés et des longues branches des arbres centenaires ; les mâts des résidences princières laissent flotter au vent leurs longues banderoles. C’est un mélange inouï de formes et de couleurs.

Devant nous, à droite, voici les toits dorés du palais Impérial avec sa haute coupole de marbre blanc ; plus loin la montagne de Charbon et ses cinq pagodes étagées les unes au-dessus des autres ; puis le Pei-tha-sse, placé dans une presqu’île, qui se mire dans les eaux paisibles de la mer du Milieu au centre même de la ville. En se portant vers le nord, le regard suit la sombre ligne des murailles chargées de tours, de pavillons, et de batteries, jusqu’à cinquante mètres au-dessus du sol.

Si nous nous retournons vers la gauche, le coup d’œil change entièrement : c’est la ville chinoise ! un amas