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tants qu’Alexis serait pour eux un maître plus clément que le chef des croisés. Ceux-ci ne virent pas sans indignation l’étendard de Byzance flotter sur les murailles de Nicée ; mais ils étaient liés par d’imprudents serments, ils brûlaient de voler à d’autres conquêtes ; levant donc leur camp, le 25 juin, ils se remirent en marche dans la direction du midi. Ils devaient cinq jours après trouver dans la vallée du Thymbris, près de Dorylée, une nouvelle occasion de combattre et de triompher.

Nicée changea encore de maîtres plus d’une fois. Dès 1106 les sultans Seljoucides y étaient rentrés. À la fin du douzième siècle, après un siége dont l’issue fut marquée par de grandes cruautés, les empereurs de Bysance s’en emparèrent de nouveau et en firent leur capitale, pendant que les Latins occupaient Constantinople. Théodore Lascaris y fut couronné en 1203.

Enfin, au siècle suivant (1330), à la suite d’un long siége, et pressés par la famine, les habitants de Nicée ouvrirent leurs portes au sultan Orkan, et depuis lors la possession n’en a plus été disputée aux Osmanlis.

Nicée, aujourd’hui, est une petite ville qui peut contenir deux mille habitants, chrétiens en grande partie.

Des vergers et des jardins, si l’on peut donner ce nom aux enclos pleins de grandes herbes et de buissons où apparaissent quelques arbres fruitiers venus au hasard, garnissent le pied des murailles à l’est et au nord.

De ce côté d’anciens aqueducs amènent, de la montagne, des eaux belles et abondantes ; mais une partie de ces eaux se perd sans doute dans le trajet, et, faute de quelques fossés d’assainissement, humectent le sol, qui sur ce point est devenu un vrai marais[1]. Cela contribue à faire de Nicée l’une des villes de l’Asie Mineure où la fièvre sévit le plus constamment.

Nicée : Mosquée verte (Yéchil-Djami) et ruines des bains.

On ne doit pas cependant s’en prendre uniquement à la négligence de l’administration actuelle ; dans l’antiquité l’insalubrité de l’air qu’on y respire avait déjà été signalée.

Le lac offre au voyageur de beaux aspects, mais les habitants du pays n’en tirent aucun parti ni pour les transports ni pour la pêche ; il est cependant très-poissonneux. On n’y aperçoit point de barques. Si ce pays connaît un jour des temps meilleurs, la canalisation du ruisseau qui réunit le lac de Nicée à la mer, sera un travail facile et fécond en heureux résultats.

Nous reçûmes à Nicée une hospitalité très-empressée. Le mudir, les notables, les zaptiés, nous escortaient partout et nous témoignaient un vif désir de nous être agréables.

On nous avait installés dans la grande salle d’un konak nouvellement construit. Elle est située au rez-de-chaussée, et ses nombreuses fenêtres ouvrent sur une terrasse couverte, au milieu de laquelle se trouve un bassin de marbre blanc alimenté par un jet d’eau. Il y a là comme un pâle reflet de l’ancienne splendeur de Nicée.

A. de Moustier.

(La suite à la prochaine livraison.)

    osa s’associer à la fortune des Latins. Ô crime ! ô honte ! Malheureuse Grèce, tu demeuras tranquille spectatrice d’une guerre qui se faisait sur tes frontières, ta faible politique attendait les événements pour se décider ; vile esclave aujourd’hui, gémis sous le poids de ta chaîne ; mais n’accuse point l’injustice du sort qui t’accable, il était dû à ta lâcheté. » (Le Tasse, Jérusalem délivrée, chant I.)

  1. Dans le courant de 1863, des commissaires ont été envoyés par le gouvernement ottoman dans la plupart des provinces de l’empire pour en étudier les besoins ; l’un d’eux, Achmet-Véfik-Effendi a, m’assure-t-on, prescrit des travaux d’assainissement autour de Nicée.