Page:Le Tour du monde - 10.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la barbarie, sous le couvert des bois, aux avantages de la civilisation dans un hameau chrétien.

Épouse et bête de somme.

À l’époque où les Panos[1] habitaient la quebrada de Sarayacu, les Conibos occupaient la plupart des affluents de gauche de l’Ucayali et parcouraient librement cette rivière, depuis sa jonction avec le Pachitea jusqu’à sa confluence avec le Marañon. Cette faculté de parcours leur est encore concédée aujourd’hui, mais leur territoire s’est fort amoindri, soit par suite des empiétements successifs de leurs voisins les Siphos, soit par l’abandon qu’ont pu en faire eux-mêmes les Conibos, pour s’éloigner des Missions de Belen, de Sarayacu et de Tierra-Blanca et se soustraire à leur influence.

Le territoire actuel de ces indigènes est délimité,

    de perles fausses, — 509 briquets à feu (eslabones), — 4 grosses de ciseaux, — 2 grosses de bagues, 3 000 croix en laiton, — 1 000 vares de calicot (tocuyo) pour couvrir la peau (pellejo) de ceux qui sont nus, — un assortiment de couleurs pour peindre notre église, — une Vierge très-pure (una purissima) et quelques ornements.

    « Nous avons besoin également de deux outres de vin, tant pour célébrer le saint sacrifice, que pour arrêter la diarrhée et le flux de sang chez les infidèles. C’est un remède souverain quand on y a fait infuser la précieuse graine du puchiri, récemment découverte…

    Je m’occupe activement ici (c’est le P. Girbal qui parle), de la commission dont m’avait chargé, en partant de Lima, Son Excellence le vice-roi, au sujet de l’escarboucle ou bézoard. J’ai rencontré, dans le trajet de Tarma à la rivière Pachitea, un Indien Piro (Chontaquiro), qui, non-seulement connaît l’oiseau dans le jabot duquel est enfoui l’escarboucle, mais qui m’a dit l’avoir tué et avoir jeté comme un objet sans valeur la pierre qu’il avait trouvée. L’Indien m’a appris, en outre, qu’il y avait deux variétés de l’oiseau en question : l’une est haute d’un demi-vare, l’autre d’un quart de vare. Le voile sous lequel il cache sa splendeur (la cortina con que cubre su resplendor) est un plumage exquis (muy extquisito), bariolé de vives peintures à l’endroit de la poitrine. L’Indien appelle cet oiseau inuyocoy. Il m’a donné sa parole de me l’apporter mort, car il est impossible de le prendre vivant.

    « J’ai traité de mon mieux cet indigène, afin qu’il me tînt parole. Il m’a quitté très-satisfait et en me promettant qu’il ne reviendrait pas sans l’oiseau. Dès que j’aurai pu me procurer un joyau si précieux (tan preciosa alhoja), je l’enverrai à Son Excellence le vice-roi… »

    Comme nous n’avons pas trouvé, dans la correspondance des PP. Narciso Girbal et Buonaventura Marques, de note relative au retard de l’Indien Piro avec un oiseau incoyocoy, nous ne pouvons dire au lecteur si l’escarboucle ou bézoard attendu par le vice-roi du Pérou lui fut envoyé par les missionnaires.

  1. Comme il nous arrivera quelquefois, dans le cours de ce récit, de parler des Indiens Panos à propos des néophytes des missions, nous avertissons le lecteur que les Panos dont il s’agit ne sont que les descendants d’anciens Panos, unis autrefois dans les Missions de l’Ucayali à des indiennes Combazas et Balzanas, transfuges des Missions du Huallaga.

    Un seul Pano pur sang, né à Sarayacu en 1793, sous le préfectorat apostolique du P. Marques, et qui plus tard avait accompagné le P. Plaza à Lima, existait encore dans la Mission à l’époque où nous nous y arrêtâmes. Cet homme, qui avait reçu au baptême le nom de Julio (Jules), à cause du mois de juillet où il était né, joignait à la connaissance de son idiome