Page:Le Tour du monde - 10.djvu/167

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porté de leurs excursions en pays chrétien, l’usage des chapeaux de paille. Ces couvre-chefs pointus de forme, assez larges d’ailes et un peu retroussés en toit de pagode, sont fabriqués par eux avec des folioles de palmier. Quelquefois le tissu en est si lâche, que le soleil en passant au travers, dessine sur le visage de celui qui le porte un damier lumineux.

Pendant que le Conibo passe la moitié de son temps à s’ajuster, à causer ou à boire avec ses amis, la femme s’occupe du ménage et vaque aux travaux pénibles ; elle surveille le défrichement, quand par hasard il s’en trouve un ; sarcle le sol ; récolte les fruits ou les racines, qu’elle rapporte au logis, dans sa hotte à frontal d’écorce ; charrie le bois et l’eau ; prépare les aliments et le mazato, chicha de manioc ou de bananes fermentées ; façonne les tissus ; recueille la cire et le miel ; pétrit la glaise nécessaire aux poteries, cuit ces dernières, les peint et les vernisse, ou suit les pas de son époux et maître, portant sur ses reins ployés, le produit de la chasse ou de la pêche, les avirons et la pagaie. Au désert, la femme est la bête de somme de l’homme, plutôt que sa compagne.

Le talent de ces pauvres ilotes pour la fabrication des poteries, leur décoration extérieure et leur vernissage, mérite une mention spéciale.

Sans autre ébauchoir que leurs doigts, et une valve de ces grandes moules qu’on trouve dans les lacs de l’intérieur, elles façonnent des amphores, des cruches, des coupes et des aiguières, dont le galbe rappelle le meilleur temps de la céramique ando-péruvienne. Elles roulent leur argile en menus boudins, qu’elles vont superposant et mêlant les uns aux autres, et la justesse de leur coup d’œil est telle, que vous ne relevez jamais dans ces œuvres, une ligne équivoque ou une courbe douteuse. Le tour du potier n’atteint pas à une précision plus mathématique.

Cuisson des poteries.

C’est dans une clairière de la forêt, toujours située à quelques pas de leur demeure et qui sert aux hommes de chantier de construction pour leurs pirogues, que les femmes établissent leur atelier de poterie et de peinture. Pour cuire et vernisser leurs œuvres, elles descendent sur le rivage où un feu clair est allumé. Là, tandis qu’elles surveillent les progrès de l’opération, une vieille matrone chante et danse à l’entour du bûcher, afin d’empêcher le malin esprit de toucher aux argiles incandescentes que le contact de sa main fêlerait aussitôt. Quand ces poteries sont refroidies, les femmes en vernissent l’intérieur avec la résine de l’arbre sempa (copal), et procèdent à leur décoration extérieure. La palette de ces artistes naturels ne possède que cinq couleurs pures. La science des mélanges et les nuances transitoires sont ignorées d’eux ou ne sont pas admises. Le noir de fumée, un jaune extrait d’un guttifère, un bleu violâtre, tiré du faux indigo, un vert sale