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vallées verdoyantes, où le trop plein des eaux est détourné au profit d’immenses rizières.


LE GOUVERNEMENT.

Autorité de l’empereur. — Le corps des lettrés. — Division des grades et boutons des mandarins. — L’office des censeurs. — Le conseil des ministres. — La cour de cassation. — Les six cours souveraines ou ministères. — Administration supérieure et gouvernement des provinces.

Il y a un ancien proverbe chinois qui dit : « Quand les sabres sont rouillés et les bêches luisantes, les prisons vides et les greniers pleins, les degrés des temples usés par le pas des fidèles et les cours des tribunaux couvertes d’herbes, les médecins à pied et les boulangers à cheval, l’empire est bien gouverné. »

Malheureusement ce proverbe, s’il a jamais trouvé application, ne la trouve plus depuis bien longtemps. l’insurrection des Tai-ping, l’intervention armée des Européens, la faiblesse de caractère de l’empereur Hien-foung ont amené un état de décadence, un mépris des vieilles institutions qui semblent annoncer la prochaine dissolution de ce vaste empire.

Cimetière français, à Pékin. — Dessin de Lancelot d’après M. le capitaine Bouvier.

Son organisation était pourtant un modèle dans le genre despotique. L’empereur est considéré comme le père et la mère de ses sujets ; manquer au respect et à l’obéissance qu’on doit aux délégués de son pouvoir, c’est commettre un crime contre la piété filiale, vertu fondamentale qui est l’objet de tous les éloges des moralistes. La piété filiale sert de base à la morale publique ; être bon ou mauvais citoyen, c’est être bon ou mauvais fils. Tels sont les principes du pouvoir impérial établis par les King ou les cinq livres canoniques des Chinois, anciens monuments dus à leurs premiers sages, et qui, depuis plus de quatre mille ans, sont les codes de leur religion, de leurs lois et de leur organisation administrative. Mais si le souverain possède un pouvoir paternel illimité vis-à-vis de ses sujets, il est lui-même Tien-tse ou le fils du Ciel, c’est-à-dire que le Tien ou l’Être suprême peut, en cas d’indignité, lui retirer la souveraineté qu’il a reçue par un mandat céleste. Quelle que soit la valeur de cette théorie, malgré les nombreuses révolutions qui se sont opérées en Chine, malgré les vingt-deux dynasties qui s’y sont succédé pendant la période historique, le profond respect qu’inspire la dignité impériale n’a pas diminué, et l’affection pour toute dynastie nouvelle est érigée en maxime de droit public.

L’autorité de l’empereur est donc absolue ; il fait la loi ou l’abolit à son gré ; il a droit de vie et de mort ; tout pouvoir administratif et judiciaire émane de lui ; tous les revenus de l’empire sont à sa disposition ; cependant, il n’absorbe pas à lui seul l’autorité ; il la délègue à ses ministres qui la transmettent aux gou-