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ses voisines, passa tour à tour sous l’autorité des kalifes orientaux, des kalifes occidentaux, des Aghlabites, familles de la Mauritanie, des Berbères, des Fatymites, des Zeyrites, des Almohades, et enfin des Beny-Hafs. Elle était gouvernée par un prince de cette dernière dynastie, Abou-Abd-Alhah-Mohamed (le célèbre Boabdil), lorsque le meilleur de nos rois, Louis IX, en 1270, vint l’assiéger. L’occupation de la place forte de Tunis eût été, dans ses desseins, un point de départ pour conquérir l’Égypte et la Syrie. On sait qu’il mourut de la peste, soit à Porto-Farina (Rhar-el-Melah), soit au milieu des ruines de Carthage, où la France a fait élever une chapelle qui lui est dédiée[1]. Bientôt après, une trêve fut conclue entre Tunis et les chrétiens, sous Philippe le Hardi.

Pendant le treizième siècle et jusqu’à la fin du quinzième, des émigrations des Maures d’Espagne élevèrent très-haut la prospérité de Tunis. Cette ville était devenue la capitale de tout un empire qui comprenait Bone, Bougie, Tripoli, la Calle, Cherchel, etc. Elle avait des traités de commerce avec les grandes républiques d’Italie, la Sicile, la Provence et l’Aragon.

Charles V envoya, en 1390, une flotte contre l’empire tunisien, mais sans succès.

La dynastie des Beny-Hafs régna jusqu’à l’an 1533, où l’un des pirates que nous nommons Barberousse, Khayr-ed-Din, alors souverain d’Alger, profita d une discorde de la famille royale tunisienne pour faire la conquête de Tunis au nom du sultan Soliman (Souley-man-Khan, fils de Selim Ier. Moulay-Hassan, le roi vaincu, appela à son aide Charles-Quint, qui, parti de Barcelone le 31 mai 1535, vint assiéger Tunis avec quatre cents navires à voiles espagnoles, portugaises, flamandes, génoises, sardes, italiennes et maltaises, montées par vingt-sept mille hommes. Barberousse, qui n’avait reçu aucun secours de Constantinople, se trouva impuissant contre cette armée. Vingt mille esclaves chrétiens qu’il avait employés à creuser le canal de la Goulette étaient enfermés dans la ville. Toutes les troupes maures commandées par Barberousse luttaient avec les Espagnols dans la campagne ; les esclaves se révoltèrent et ouvrirent les portes à Charles-Quint. L’empereur n’avait pas le dessein d’ajouter la Tunisie à ses immenses possessions ; il avait assez à faire en Europe. Il se contenta donc de dicter un traité à Moulay-Hassan, et de laisser à la Goulette dix galères et une garnison de mille hommes sous le commandement de Bernardin de Mendoza ; mais les Tunisiens n’eurent bientôt que du mépris pour leur roi, ne le considérant plus que comme le vassal du chrétien ; et le jour où, à la suite de divers incidents, Moulay-Hassan, chassé par eux, essaya de reprendre la ville avec le secours d’une troupe espagnole commandée par un gentilhomme napolitain nommé Lofredo, ils firent une résistance furieuse et taillèrent les Espagnols en pièces. Mulay-Hassan tomba entre leurs mains, et son fils, usurpateur de son trône, lui fit crever les yeux. Dix-huit ans après ce fils fut lui-même chassé de Tunis par les Algériens.

Mosquée dans le quartier juif. — Dessin de A. de Bar d’après M. Am. Crapelet.

En 1573, le fameux don Juan d Autriche prit possession de Tunis au nom de son frère Philippe II. Il avait ordre d’en raser les murailles ; il n’en fit rien et se retira en y laissant une garnison de quatre mille hommes.

La fin de cette même année vit s’éteindre la dynastie des Beny-Hafs. Le sultan envoya de Constantinople une flotte qui, appuyée par celle d’Alger, s’empara de Tunis après une lutte acharnée où périrent un très-grand nombre de chrétiens et de musulmans. Sinan-Pacha, dey d’Alger, devint dès lors le souverain de Tunis où un de ses lieutenants gouverna sous son nom avec le titre de bey.

En 1594, les milices tunisiennes chassèrent le gouverneur ottoman et établirent à sa place une sorte de république sous l’autorité d’un divan composé de chefs militaires. Ce divan conserva, pour la forme, un bey ou un dey dont le pouvoir n’était que nominal.

En 1650, une nouvelle révolution renversa le gouvernement militaire, et, à travers des péripéties sanglantes, Tunis arriva insensiblement à se rendre indépendante à la fois du sultan de Constantinople et du dey algérien.

  1. Il est assez difficile de préciser avec exactitude l’endroit où, le 25 août 1270, Louis IX rendit le dernier soupir. Quoi qu’il en soit, c’est au milieu des ruines de Carthage, où son armée était campée, qu’il succomba au fléau qui ravageait ses troupes. V. Guérin.