périorité des Anglais et se sont par prévoyance associés à leur fortune en trahissant leurs compatriotes. Dans la dernière guerre des Sikhs, il a aidé les Anglais et leur reconnaissance l’a fait chef d’une principauté qu’on a même agrandie en sa faveur.
Avez-vous vu dans les sablonnières ou les marnières ces piliers rustiques que l’on nomme en style du métier des témoins, et que les excavateurs laissent debout afin de pouvoir mesurer et cuber plus aisément la quantité de matière enlevée ? Ces témoins me représentent parfaitement les vingt-cinq ou trente principautés autonomes que la feue Compagnie des Indes a laissé subsister sur le sol sacré d’Aryavarta. Il n’y a pas eu seulement des services individuels et des trahisons à récompenser : il y a encore là (je ne sais si d’autres que moi s’en rendent bien compte) une leçon perpétuelle pour le peuple indien, que ses préjugés religieux rendent souvent ingrat et oublieux des immenses bienfaits versés sur lui par la domination anglaise. Si le ryot hindou du territoire anglais est tenté de se sentir opprimé, il n’a qu’une chose bien simple à faire : nul ne l’empêche de passer dans le territoire libre le plus voisin, chez le Nizam, le Guicowar, le prince de Gwalior, celui de Cachemir ou les Protected Hill States. Je lui jure bien qu’il en aura assez au bout de vingt-quatre heures.
Montagnards afghans des environs de Sarwar. — Dessin de Émile Bayard d’après une photographie.
Après avoir vu l’Inde et cette admirable administration, dont j’aurai bien des occasions de parler, je ris de bien bon cœur en lisant dans quelques journaux aussi arriérés que consciencieux des malédictions contre l’esprit envahissant de l’Angleterre dans l’Inde, et des plaidoyers chaleureux en faveur de ces pauvres princes indigènes, doux agneaux croqués par le loup saxon. Quels agneaux ! Il faut savoir que l’éducation de l’aristocratie indigène est tellement dépravante que le meilleur des princes natifs est cent fois pire que le pire deputy commissioner anglais, à supposer qu’il y ait de mauvais deputies commissioners, et je n’en ai pas vu. A-t-on assez pleuré chez nous ce brave, ce chevaleresque Tipo-Sahib ! Il est bon de savoir que ce nouveau Salomon était un musulman sauvage, qui faisait dans ses États de la propagande selon le cœur du prophète, avec le sabre à double lame d’Ali. Voici une de ses plus gracieuses plaisanteries : Ennuyé de voir que les bramines du Mysore ne se convertissaient pas, il fit chez eux une razzia de leurs plus belles filles, les garda quelques jours dans son zenana, son sérail, puis les renvoya à leurs parents. Il savait bien qu’ayant, par ce fait, perdu leur caste, elles n’avaient pas à espérer d’être recueillies par leurs parents, à qui la loi brahmanique n’eût pas permis de suivre les impulsions de leur cœur envers des êtres innocents : elles n’avaient