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LE TOUR DU MONDE.


James Gordon Bennet, esp. — Gravure tirée de l’édition anglaise.

« Qui êtes-vous ? lui demanda le gérant.

— Stanley.

— Ah ! oui. Prenez un siège. Où pensez-vous que soit Livingstone ?

— Je n’en sais vraiment rien, monsieur.

— Croyez-vous qu’il soit mort ?

— Possible que oui, possible que non.

— Moi, je pense qu’il est vivant, qu’on peut le trouver ; et je vous envoie à sa recherche.

— Au centre de l’Afrique ? Est-ce là ce que vous entendez ?

— J’entends que vous partiez, que vous le retrouviez, que vous rapportiez de lui toutes les nouvelles qu’on peut en avoir ; et… qui sait ?… le vieux voyageur est peut-être dans le besoin. Prenez avec vous tout ce qui pourra lui être utile. Naturellement vous suivrez vos propres idées. Faites comme bon vous semblera ; mais retrouvez Livingstone.

— Avez-vous réfléchi, monsieur, à la dépense qu’occasionnera ce voyage ?

— Combien coûtera-t-il ?

— Burton et Speke ont dépensé de trois mille à cinq mille livres et je crains qu’il ne faille pas moins de deux mille cinq cents livres (soixante-deux mille cinq cents francs).

— Eh bien ! voilà ce que vous ferez : vous prendrez maintenant mille livres, quand elles seront dépensées, vous ferez une traite d’un nouveau mille, puis d’un troisième, et ainsi de suite ; mais retrouvez Livingstone.

— Dois-je aller directement à sa recherche ?

— Non ; vous assisterez d’abord à l’inauguration du canal de Suez. De là, vous remonterez le Nil : j’ai entendu dire que Baker allait partir pour la Haute-Égypte ; informez-vous le plus possible de son expédition. En remontant le fleuve, vous décrirez tout ce qu’il y a d’intéressant pour les touristes ; et vous nous ferez un guide, un guide pratique : vous nous direz ce qui mérite d’être vu, et de quelle manière on peut le voir.

« Vous ferez bien, après cela, d’aller à Jérusalem ; le capitaine Warren fait, dit-on, là-bas des découvertes importantes ; puis à Constantinople, où vous vous renseignerez sur les dissentiments qui existent entre le khédive et le sultan. Vous passerez par la Crimée et visiterez ses champs de bataille ; puis vous prendrez le Caucase jusqu’à la mer Caspienne ; on dit qu’il y a là une expédition russe en partance pour Khiva. Ensuite vous gagnerez l’Inde en traversant la Perse ; vous pourrez écrire de Persépolis une lettre intéressante, Bagdad sera sur votre passage : adressez-nous quelque chose sur le chemin de fer de la vallée de l’Euphrate ; et quand vous serez dans l’Inde, vous vous embarquerez pour rejoindre Livingstone. Maintenant, bonsoir ; et que Dieu soit avec vous ! »

Henry Stanley partit donc pour l’Égypte, où il eut des nouvelles de Baker par le mécanicien en chef de l’expédition, M. Higginbotham, qu’il rencontra à Philæ ; puis il continua sa route.

Après avoir causé à Jérusalem avec le capitaine Warren, examiné les marques des ouvriers de Tyr sur les fondations du temple de Salomon, visité les mosquées de Stamboul, dîné à Odessa avec la veuve du général Liprandi, parcouru la Crimée, vu Palgrave à Trébizonde, le baron Nicolay à Tiflis, demeuré chez l’ambassadeur russe à Téhéran ; après avoir reçu dans toute la Perse le meilleur accueil des gentlemen de la Compagnie du télégraphe indo-européen, écrit son nom sur l’un des monuments de Persépolis, il arriva dans l’Inde au mois d’août 1870.

Embarqué à Bombay le 12 octobre sur la Polly, mauvaise voilière, il mit trente-sept jours pour gagner l’île Maurice. La Polly avait pour contre-maître un Écossais nommé Lawrence Farquhar. C’était un bon marin, et M. Stanley, pensant qu’un pareil homme ne pourrait que lui être utile, l’engagea pour toute la durée de l’expédition.

De Maurice, il fallut aller aux Seychelles, où, le quatrième jour après son arrivée, M. Stanley se rembarqua avec Farquhar et le fidèle Sélim, jeune Arabe chrétien qu’il avait pris à Jérusalem en qualité d’interprète.

Enfin, le 6 janvier 1871, le correspondant du New-York Herald abordait à Zanzibar. Il y trouva l’hospitalité la plus cordiale chez le capitaine Francis Webb, consul des États-Unis. Si ce gentleman, dit-il, ne m’avait pas rendu cet éminent service, il m’aurait fallu