Page:Le Tour du monde - 52.djvu/285

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reuse vierge Énimie. Les lis avaient ombragé son berceau, car elle était la fille du roi Clotaire le Jeune. Elle brillait néanmoins davantage par l’éclat de ses éminentes vertus et la candide blancheur de son intacte virginité. Elle avait choisi Jésus-Christ pour son époux, lorsque les auteurs de ses jours la pressèrent vivement d’unir ses destinées à celles d’un époux terrestre. Quel admirable exemple de constance à son premier choix va donner aux générations futures cette jeune vierge ! Elle sollicite comme une faveur de son époux céleste la grâce de perdre les dons de la beauté, même aux dépens de sa vie. Ses vœux sont entendus : une lèpre affreuse souille le corps de la pieuse princesse. L’extrême laideur de son visage éteint les feux dont brûlait l’époux qui lui était destiné… Énimie se livre avec une ardeur nouvelle à la prière, et, pendant qu’elle épanche ainsi sa belle âme dans le cœur de son époux céleste, voici qu’un ange lui apparaît. Le messager du Seigneur l’engage à diriger ses pas vers les contrées du Gévaudan. Là elle devra se baigner dans les eaux limpides de la fontaine de Burle et s’y dépouiller de la hideuse lèpre dont tout son corps est couvert. Le roi, instruit de la miraculeuse vision de sa fille, le fait partir avec un cortège digne de la royale visiteuse. La fontaine que le ciel a désignée est découverte. La vierge se baigne dans ses ondes salutaires. Le Jourdain semble couler de la source de Burle et, par la puissante invocation du nom de Jésus, la lèpre disparaît. Énimie recouvre une santé florissante.

Un Caussenard à la foire de Sainte-Énimie (voy p. 282).
Croquis de Vuillier, d’après nature.

« La royale vierge se disposait à repartir pour Paris et à rentrer dans la maison paternelle. Elle avait déjà remonté les âpres côtes du Tarn, lorsque la lèpre, pour la deuxième fois, vient souiller ce corps virginal. Énimie redescend à la fontaine de Burle. Elle invoque encore le nom de Jésus, et sa prière est exaucée. Les ondes salutaires la purifient de cette hideuse maladie. Énimie, revenue à la santé, rend d’abord de très humbles actions de grâces au Seigneur, et se dispose à remonter sur la plaine pour exécuter son premier projet de retour. Mais une troisième fois la lèpre vient ravager la beauté de son visage, et Énimie reconnaît alors que la volonté de Dieu est qu’elle reste là et se voue à son service. Elle vient pour la troisième fois se plonger dans la fontaine et trouve la guérison. Les rois Clotaire son père et Dagobert son frère, instruits des desseins de Dieu sur la princesse Énimie, lui envoient de grandes sommes d’argent. De vastes domaines sont acquis dans les environs, et un monastère de pieuses filles consacrées au Seigneur est élevé auprès de la fontaine par la royale vierge. Deux églises y sont construites, l’une en l’honneur de la mère de Dieu, l’autre en celui de saint Pierre. Le bienheureux Ilère, évêque de Mende, est appelé dans cet endroit. Il y consacre Énimie abbesse du nouveau monastère et reçoit les vœux des religieuses compagnes de la sainte princesse[1]… »

Un Caussenard à la foire de Sainte-Énimie (voy p. 282).
Croquis de Vuillier, d’après nature.

Sainte Énimie mourut, croit-on, après l’an 628, et fut ensevelie dans la grotte de l’ermitage, où elle aimait à se retirer avec sa filleule Énimie, — Sainte Énimie était-elle fille de Clotaire II, de Clovis Ier ou de Clovis II, ou de tel autre prince mérovingien ? je ne sais. Ce qu’il y a de certain, c’est que la petite ville qui porte son nom existe et que le monastère fut toujours considéré comme étant de fondation royale, ne dépendant ni de l’évêque comte de Gévaudan, ni du roi, héritier de la vicomté de Gévaudan. Le fait est constaté par l’enquête de 1306, dressée pour fixer les droits des deux seigneurs du pays. De cette indépendance vint sans doute le nom du village, du château et du causse de Sauveterre, qui appartenaient en grande partie au prieuré de Sainte-Énimie.

Le monastère fut, on ne sait à quelle époque, à peu près abandonné. Au dixième siècle Étienne, évêque de Mende, avec le consentement de son chapitre, et d’après l’avis des principaux seigneurs du pays, résolut de le rétablir. Dans ce but il s’adressa à Dalmace, abbé de la célèbre abbaye bénédictine de Saint-Chaffre en Velay, qui après avoir refusé, consentit à envoyer une colonie de ses moines, sous la condition expresse que le prieuré resterait toujours sous la dépendance de l’abbé de

  1. Acta Sanctorum des Bolandistes, t. III, éd. de 1770, traduction de l’abbé Pascal, citée par M. André. Histoire du monastère et prieuré de Sainte-Énimie.