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Le uoyage des Princes


qui eſtes mien, ie ne veux pas celà, ie n’aurois plus de gloire, ma belle preſomption ſeroit eſteincte, mon heureuſe emulation n’auroit plus de ſuiect : & puis celles qui ont de l’honneur ne ſont point ſanguinaires, ie ne veux la perte de ſa vie, ny l’ex altation de ſon induſtrie : ie le veux vaincre, & ſi ie veux qu’il viue, afin que i’aye l’honneur, & luy le regret, & que ie ſçache que ce que i’ay ſurmonté par ma vertu, eſt & vertueux & en vie. Parquoy ce que ie veux de vous eſt vn office ſignalé pour ceſt effet. Puis que voſtre ſerment eſt en ma main, que ie vous ay declaré mon courage, vous eſtes obligé à ce que ie deſire, vo° partirez de ceſte court comme pour aller viſiter d’autres Royaumes, & accomplir vos voyages, & irez vous preparer aux bords de la mer Arabique, ie vous fourniray de toutes commoditez, d’autant que loin de voſtre pays, vous ne pourrez ſi promptement en auoir, & mon affaire tarderoit : vous pouuez ſçauoir que le Roy mon Seigneur a là ſur le golfe de la mer rouge de grādes Seigneuries, & en ceſte coſte heureuſe vne belle longueur de pays, & d’autant que dans peu de iours il ueut enuoyer en Ofir, il ira là faire dreſſer l’equipage, & i’iray auec luy. Vn peu apres que la flotte aura leué l’ancre (ſelon ſa couſtume, ioint qu’il y a affaire) il ira en l’iſle des eſcreuices qui ſe petriſſent quand elles perdēt l’eau, cependant qu’il s’y delectera, ie paſſeray en l’iſle des perles, où i’ay vn beau chaſteau, & vous ſerez a l’autre bout vers le midy à l’abry, en m’attendant en voſtre vaiſſeau leger, & ainſi que ie paſſeray, vous attaquerez ma nef qui ſera fort deſgarnie, & vous ſaiſirez de moy, & ferez