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Le uoyage des Princes


voulez vous que pour l’amour de vous, ie le bleſſe d’vn coup de fleche ? Etherine. Sire, vous qui eſtes accomply en tout pouuez faire ce qu’il vous plaiſt, ie vous diray pour tant, que ce ſeroit vn beau coup de lui dōner d’vn trait au pied & à l’o— reille. Incontinentl’Empereur inuentif, comme ſont tous amans, appreſta ſon arc qu’il mit à ſes pieds, & prit d’vn page vn arc à ialet auec lequel il tira droit en l’oreille du cerf, & y porta vne balote de terre legere, qui rencontrant le ferme des cartilages de l’oreille ſe mit en poudre, qui fut cauſe que le cerf ſentant ce fretillement ſ’arreſta & du pied de derriere du meſme coſté de l’oreille, ſecoua ceſte poudre qui l’importunoit : eſtant en ceſte action, l’Empereur ſans perdre temps decocha viuement vne fleche de telle addreſſe, qu’il enfila le pied & l’oreille, & de l’auance du coup la ceruelle penetree le cerf tomba : Chacun admiroit vn ſi beau coup, meſme l’Empereur fier de ſi iuſte rencontre ſ’en glorifioit cordialement : & s’addreſſant à Etheri ne luy dit. Et bien, Belle, qu’en dites vous ? Elle ayant pris la grauité de ſon geſte, & voulant par vn excés notable ſonder ce Prince iuſques au vif, luy reſpondit d’vne façon aſſez dedaigneuſe, Sire, i’ay parlé d’vn coup, ie pretendois que voſtre force fut ſi grande, que luy perçant l’oreille droite en biais, voſtre trait iroit chercher les iointures, & liaiſons des os à ce que trauerſant aux conionctions des muſcles, elle vaint à la fin acheuer ſa violence ſur le pied ſeneſtre, qu’elle eut lié à la terre. Et puis vous auez vſé d’vn artifice indecent à vn grand, tel que vous : car