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fortunez. Entreprise I.


baſſadeur, lequel il conſola, luy promettât d'employer ſes biens, & ſon authorité au recouurement de la Princeſſe. Lambaſſadeur fut deſpeché promptement : car l'Empereur craignoit qu'il ouyt quelque bruit de ce qui ſ'eſtoit paſſé. De puis, ce triſte Monarque n'a peu auoir la force de retenir ſes plaintes, l'ameur & le regret agiſſans impetueuſement ſur luy, le mirent en tel eſtat de melancholie, qu'il ne pouuoit plus receuoir de repos, l'affection du repas eſtoit eſcoulee, & les autres functions periſſoyent : Peu ſçauoyent l'occaſiō de ſon mal : car il n'auoit declaré ſon amour vers Etherine qu'à la Fee, il ſe contraignoit en ſes actions, mais à la fin il fut contraint de ſ'arreſter, & garder la chambre : Les Medecins luy preparerent des remedes, mais pour neant : d'autant qu'ils ne ſcauoyent pas le mal : Et puis les ſucs, les larmes, les fleurs, les racines, les fueilles, les bois, les decoctions, les eſſences, les ſels, les eaux, les compoſitions, & tout ce que peut l'excellence de l'art n'ont point de puiſſance ſur les eſprits, qui ſont hors du gouuernement de la medecine : Les paſſions ne ſont pas és humeurs, parquoy les mondains ne peuuēt mitiger les douleurs amoureuſes, les mignons du repos ne ſcauroyent induire le ſommeil à ce pauure malade d'amour : & les medicamens qui agiſſent és ſubſtances ſenſibles du corps, ne vallent point à corriger ceſte inquietude qui le gourmande & trauerſe ſans luy donner relaſche. Son mal le met en tel eſtat que de moment en moment on attend que l'ame indignee quitte ce corps diſgratié. Tous les ſiens & ſes voiſins en ſont infinie-


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