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fortunez. Entreprise I.


moy, il n’y aura pas eu moyen de repos : Fonsteland. Madame, le plus difficile accident qui trouble nos cœurs, eſt la ſeparation du ſuiet où nos ames ont arreſté leur entier contentemēt, & ie le vous dy en la meſme verité que ie la croy, que c’eſt ceſte ſeule cruelle aduanture qui m’affligeoit trop incommodément abſent de vous. C’eſt le mal qui m’a tant & ſi importunément agité, que preſque mes plus belles penſees en eſtoient diſſipees, pource que ie n’auois que des imaginations toutes triſtes qui m’enueloppoiēt en des tenebres trop obſcures, & ſans la valeur dont vous eſueillez mon courage, ie me fuſſe deſeſperé. Mais quand ceſte malignité preſumoit d’eſteindre ma belle eſperance, le ſouuenir de vos vertus ſi doux obiet de mes heureuſes conceptions, me repreſentoit le bien que i’av receu, en m’obligeant à voſtre ſeruice, & me releuoit auec tant de confiance, que i’effacois tout ce trouble, par la felicité que i’ay d’eſtre voſtre, & cōme cet heur eſtoit ma conſolation, ie vous ſupplie ma belle pour continuer mon bien, que vous ayez agreable que touſiours & en tous lieux il me ſoit permis de croire de meſme. Lofnis. Si ie pouuois lire en voſtre cœur, ie ſerois plus preſte de ſcauoir ce qui en eſt, que ie n’eſtois lors que vous eſtiez eſloigné, toutesfois ie ne ſcay ce que ie doy penſer, ou ſi ie me doy perſuader que loing du feu on n’eſt pas tant eſchauffé. Fonst. Ie vous prie me faire mourir plus doucement, & ne cōtinuer pas en ceſte triſte perſuaſion, vous eſtes le feu qui plus eſloigné, m’a plus fait ſentir de flāmes ; Auſſi eſtes vous mon vnique eſperance. Il