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fortunez. Entreprise I.


i’eſtois loing de vous, d’autant que vous la ſcauez bien, auſſi vous l’eſtimerez par mon affection, dont ie vous rendray tant de preuues, que le teſmoignage vous la manifeſtant, vous vous aſſeurerez que mon humble amitié n’eſt point vn proiect inutile pour ſe plaire, ſelon les volages fantaiſies des eſprits legers, mais vn effect ſubſtanciel à l’égal de la verité, laquelle ſans changer continuant en mon ame, ne me fera reſpirer autre cōtentement que de me diſpoſer de plus en plus au ſeruice que ie vous doy. La Fee les vint interrompre. A la verité les amans ne ſçauent que dire & ont tant à dire que les paroles croiſſent en leur bouche, ſans qu’ils le penſent, leurs diſcours coulent infiniment, pource que leur affection eſt ſans fin, & puis ils ont tant de choſes à déduire iuſques à l’effect, qu’ils ne ſe laſſent iamais d’en parler, & qu’on vienne à leur en demander, tout eſt qu’ils ont dilaté leur ame ſur l’aër infini de leurs pensees : Ces deux reſueillés de ce beau ſonge, car, l’amour n’eſt autre choſe d’autant qu’il ne vieillit point, & n’effectue rien, ils vindrent ouyr la Muſique preparee ſous la tonnelle, ce qui fut mis le premier ſur le tapy eſtoit vn aër que Fonſteland auoit arreſté ſous ces paroles meſurees, leſquelles pourtant ne peuuent meſurer ſon affection.

Mon cœur eſtoit ouuert, mon ame humiliee,
Mon eſprit en priere, & mes yeux en deuoir,
Lors que voſtre beauté doucement ſuppliee,
Me daigna par pitié voſtre me receuoir.
Que de bonnes douceurs dedans moy s’eſtablirent,
Combien ſentiſ-ie en moy de conſolation !
Tout ce que les amans en leurs amours ſonſpirent,