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fortunez. Entreprise I.


le ſçauoit biē (pour ce que les belles ſçauēt biē leurs merites quand elles ſont ſans paſſion) ſe meſloit de brauer l’amour, faiſant gloire de triōpher des cœurs, & de reſiſter puiſlamment aux forces de l’affection, & elle ſe tenant à l’œr pacifique de ſes penſees, voyoit les affaires des autres, qui ne l’eſmeurent point : d’autant que l’effort qui examine tous autres courages paſſe loing d’elle. Amour indigné va ſe recompenſant autre part, & ne pouuant encor ſe vanger ſupporte ſa honte, tant qu’il ayt la commodité de donner quelque trauerſe, eſtant meſpriſé, il baiſſe la teſte, & ſe retient : mais auſſi quand il trouue l’occaſion de vēgeance, il en vſe inſolemment, quand il en attrape l’opportunité il s’y exaggere auec toute vehemence, & n’eſpargne rien. Or il auoit fait forger vn nouueau traict, & l’auoit trempé dans les douceurs de la meſme delicateſſe dont couloit le ſuc amoureux qui glutinoit les ames de Cambile & de Caualiree : De ce traict Amour inconſiderément offenca le cœur d’Epinoiſe, à laquelle il ne penſoit plus, & n’auoit intention de s’addreſſer : car le voulant eſſayer, il l’auoit enfoncé en intentiō d’en alterer vne vnique beauté qui eſtoit toute innocente encor, & laquelle pourtant a faict ſouſpirer le heraut de cez paſſions cy, & de fortune, le coupeſtant languiſſant & non ſoudain, la Fee paſſant le receut par hazard, & s’en trouua atteinte, eſtant en diamettre aux yeux de Caualiree : à ce coup elle eft reueillee, & comme en ſurſaut reſſent quelque nouneauté qui l’eſguillonne, & cherchant ce que ce pouuoit eſtre, ſon œil aduiſa Caualiree dōt la ſource de feu luy ſail-


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