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fortunez. Entreprise I.


gers & les voſtres meſmes deſcouurent voſtre incommodité, en quelle reputation vous auront ils, vous qu’ils ont eſtimé le plus ſage de tous les monarques : de vous voir comme vn enfant ſouſpirer honteuſement pour vne petite baſteleuſe, & de condition abiecte, qui ſous ombre d’vn petit eſclat de beauté paſſagere, fera gloire d’auoir gourmandé le plus bel eſprit du monde ? penſez vous qu’elle ne ſache pas bien ce que vous faites, & que ne ſoyez pas ſon ordinaire conte de riſee ? ne vous abuſez point, croyāt qu’elle ſoit la Princeſſe de Boron : Non Empereur, il eſt permis de ſe donner quelque licence pour le plaiſir de ſon cœur, mais il ne faut pas qu’vne ombre de cōmodité ioyeuſe, efface la gloire d’vn prince magnanime. C’eſt le fait de ceux qui n’ōt que faire, de ſ’amuſer aux belles vanitez de la paſſion d’amour : vn grād és mains duquel tant d’ames ſont recōmendees, a bien des affaires de plus grande conſequēce qui le doiuét empeſcher, ſans qu’il ſ’aille imprudemment enueloper en des cogitatiōs indignes de ce qu’il eſt, releuez voſtre cœur, reprenez voſtre courage, afin que vous ne cauſiez à voſtre nom vne tache qui ſeroit beaucoup plus difforme que iamais voſtre gloire n’a eſté ſplendide. Ceſte Fee diſoit bien, & ſ’il n’y eut rien eu de venin caché la deſſous, elle faiſoit paroiſtre vn vray conſeil ; mais comme tous Conſeillers donnent auis aux Rois, ſelon leur commodité, elle l’induiſoit à ſon intētion, & l’Empereur qui n’en ſçait rien luy reſpond. Ma Couſine, ſi tu auois ſenti en ton cœur quelle eſt la viue eſmotion d’vn amour fondé ſur le pudique deſir de la