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fortunez. Entreprise I.


meſme ? Ne vous diffamez-vous pas de vous outrer de melancholie pour vn ſi petit ſujet, & de ſi peu de conſequence, pour vne petite impudente, qui poſſible maintenant eſt à ſe noyer de contentements, auec pluſieurs qu’elle raſſaſie de voluptez, ſe mocquāt de voſtre indecente captiuité d’eſprit ? La Fee diſoit comme vray, mais elle blaſphemoit cōtre la beauté, l’höneur & l’amour, & toutesfois elle remuoit l’eſprit de l’Empereur, le faiſant peiner extrememét, à cauſe qu’il auoit de la conſideration. Il eſt certain que quand vn cœur a receu en ſoy quelque venin qui l’a detraqué de ſon œconomie, il eſt ſuſceptible de toute autre mauuaiſe & maligne qualité, & pourtant l’Empereur eſtant en ceſte agonie d’incertitude, lui reſpondit en perplexité, Ie n’entēs point vos diſcours, eſclairciſſez moy. La Fee. Si vous les voulez entēdre, reprenez voſtre eſprit Royal, redeuenez hōme, & tenez pour jeu ce qui vous eſt ſerieux, touchant les paſſiös d’aimer, &ores qu’il eſt queſtion d’affaires ſerieuſes penſezy : Mettez les conſiderations delectables pour le temps de recreation, & ſaiſiſſez celles de conſequence au beſoin, & ſi vous auez l’ame capable d’entendre ce qui eſt de voſtre bien, ie vous feray ſçauoir ce qui concerne le plus cher de ce qui vous touche. L’emperevr. Quand il faut vſer d’vn agreable artifice, il en faut vſer, mais en choſes ſerieuſes dites ſerieuſement, expliquez vous, Epinoyse. Es gentilleſſes d’eſprit, ie taſche d’exceller, pour auec la beauté de l’art conduire à fin, ce que ie veux pour le plaiſir, & ſcay bien accommoder le temps & le ſujet, mais ores qu’il y va de