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Le uoyage des Princes


le, mon ame eſt tant deuotement affectionnee à voſtre ſeruice, qu’elle ne peut addreſſer ſes vœux qu’à vous ſeule que i’honore & ayme de tout mō cœur, & pource que l’amitié ſe doit recompenſer par l’amour meſmes : ie vous prie me gratifier abſolument de voſtre amour, pour m’en donner parfaite iouyſſance : Et s’il vous eſt agreable, s’il vous plaiſt, & ſi vous deſirez que celà ſoit, & que vous vouliez m’aymer d’amour, refuſez moy la requeſte que ie vo° en fay. Carinthee. Si ie vous refuſe ie vous accepteray, & ſi ie ne vous refuſe point, vous n’aurez pas de part en moy : qu’élirez vous pluſtoſt ? Belead. Ie deſire payer la diſcretiō à ce que vous eſtant redeuable ie tienne de vous, & que m’acquitant ie vous rende hōmage pour receuoir le bien qui m’en eſcherra. Carintee, Pour vous faire paroiſtre que le ne veux pas reſpondre pour vous donner du dommage, ny pour eſtre occaſion de voſtre bien, à cauſe que ie ne ſcay pas les euenemés qui ſont ordonnez du Ciel, pource que ie ne puis faire eſlection de ce qui vo° eſt propre. Ie vous reméts à quand vous m’aurez fait paroiſtre ce que vous auez en l’ame, & lors ie ſçauray ſi ie ſuis capable de reſoudre la propoſitiō que vous me faictes. Ces petits ieux durerent tāt que la compagnie ſe debanda, & que chacun ſe retira à ſa retraicte. C’eſt vne pointe ſi viue que celle de l’amour, qu’elle reſueille inceſſamment ceux qui ſont reduits ſous la puiſſance de ceſte force, qui n’eſpargne rien. Cet amant eſpoinçonné de ſes pudiques ardeurs, print occaſion de reduire ſes paſſions ſous ces accents.