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Le uoyage des Princes


à diſcourir des rencontres du Calendrier, & cōme à chaque iour il y a vn nom, ſelon lequel ſi on rencontre celuy d’vne perſonne, & ne ſçachant le iour de ſa natiuité, on propoſe la feſte de naiſſance à ce iour là : parquoy pour trouuer occaſion de bien faire, il luy demanda ſon propre nom. Elle luy faignit luy en diſant vn autre, en quoy il pouuoit eſtre aiſément deceu, car les nōs que nous donnons aux Dames, ſont des Seigneuries ou epithetes, ainſi ſon vray nom n’eſtoit pas vulgairement cogneu, parquoy elle l’abuſa, mais comme il eut bien remué en ſon cœur pour en auoir ſouuenance, l’ayant ouy nommer eſtant petite, du nom ſous lequel elle auoit eſté caracteriſee entre les Chreſtiens, il s’en aduiſa, & ſur ceſte difficulté, il ſe pleignit & conſola, ainſi faiſant entendre en ces ſouſpirs qu’il cognoiſſoit ce beau nom,

I’eſſaye vne fortune autant auantureuſe
Que iamais cheualier eut deſir de tenter,
Et la fin en ſera ſi belle & glorieuſe,
Que tous parfaits amans me viendront imiter.
Mais obiet bien-heureux ou mon deſtin m’attire,
Ne me braſſez vo° point quelque faſcheux deſtour ?
Auriez vous point voulu à ceſt effet m’induire
Pour me faire fentir les malices d’amour ?
Non, vous ne voudriez pas abuſer l’innocence
D’vn qui deuant vos yeux ne ſe peut deſguiſer,
Et toutesfois i’ay veu ceſte douce apparence
Dont vous auez taſché ma penſee abuſer.
Mais pourquoy vouliez vous deſtourner de mō ame
Ce beau nom reueré qui eſt le nom d’aymer ?
Belle, ie ſuis touché d’vne ſi viue flame,
Qu’alumé par uos yeux i’appris à vous nommer.