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fortunez. Entreprise I.

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DESSEIN SEIZIESME.


Suite des amours de Beleador, Diſcours de chaud & froid en affections. Magie des Fees pour ſcauoir l'eſtat des cœurs. Le nauire de Sobare leue l'ancre, & emmenent les Fortunez.



IL n'eſt plaiſir au monde egal à celui que ſauoure vn amant de merite, quand il peut expoſer ſa paſſion, comme en vn tableau deuant les yeux de celle pour laquelle il eſt preſſé d'affections, il perçoit par ce moyen vn ſouuerain bien, & expliquant les angoiſſes & les plaiſirs de ſon ame. il exhale la malignité de ſes feux, il n'y demeure que le pur eſclair de perfection par lequel il ſe donne le contentement de communiquer auec les belles intelligences, qui luy donnent relaſche en ſes perſecutions, il eſtoit auenu que le Soleil plus vif ſur la terre, auoit redoublé la pointe de ſa chaleur, & alors eſtans tous au palais de Batuliree, chacun ſe reſiouïſſoit à la fraiſcheur, & Beleador ne perdoit pas l'occaſion, mais entretenoit Carinthee des paroles, dont il crayonnoit ſes intentions, & auint que luy touchant la main, qu'il ſentit non ſeulement fraiſche, mais froide, luy dit, Ceſte belle main fait paroiſtre par ſon eſtat, que l'interieur reçoit to9 les feux du corps. Carinthee. Si la main eſt froide, tout le corps l'eſt, la main & l'œil ſont indices