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Le uoyage des Princes

Mon cœur n’oſeroit pas ainſi ſe transformer,
Pour deceuoir les yeux qui dans les ames liſent,
Si digne eſt ſon ſujet, qu’il ne veut preſumer,
De fair come ceux-cy qui touſiours ſe deſguisēt.
Or c’eſt voſtre beaute qui cauſe mes ſouhaits,
Mes ſouhaits ſerōt dōc des ſouhaits veritables.
Puis que i’ay pour objet le parfait des parfaits,
Mes feux sōt d’amour vray, les feux pl° agreables.
Belles pointes d’honneur qui me faites loger
En ſi digne ſujet les deſirs de mon ame,
Afin que pour iamais ie m’y puiſſe obliger,
Tout d’amour ſoit mon ame, & tout mō cœur de flame.
Iamais autre deſir ne me tranſportera,
Car il n’eſt rien d’egal à ma belle maiſtreſſe,
Iamais autre bel œil ne me deſtournera,
Car i’ay trop de valeur pour māquer de promeſſe.

Ceux qui ont veu ceſte Iſle, ſcauent qu’il y a pluſieurs beaux palais, d’autant qu’elle eſtoit autrefois habitee d’vn peuple ſage & admirable en inuentions : Or la belle Carinthee auoit entre quelques vns choiſi vn chaſteau vers le leuant, où ſouuent elle ſe retiroit, & ce ſoir là, elle ſe delibera d’y aller, parquoy elle prit ſa ſeruante & ſe mit en chemin, permettant à Beleador de l’accompagner : A dire vray les Dames ont de terribles artifices, pour faire paroiſtre leur pouuoir abſolu ſur les ames de leur commandement. Cet amant tout contant de conduire ſa maiſtreſſe, ſe baignoit deſia en l’aize parfait d’vne eſperance aſſeuree d’affection mutuelle, & du tout en reſolution d’accompliſſement. Or comme ils eurent fait vn peu plus du tiers du chemin, la Belle le pria de la laiſſer aller ſeule auec ſa ſeruante


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