Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
Le uoyage des Princes


quer à plaiſir & loiſir, elle inſtitua vn vice-Roy en ſes terres & Seigneuries, qu’elle y laifla, & vint en France voir les Druydes, dont il y a encores quelques reſtes. Elle apprint d’eux infinis ſecrets, où elle prenoir tant de plaiſir, que la pluſpart du temps elle ne bougeoit de ſon cabinet, s’y entre tenant auec vne lieſſe extreme. Les langues malignes en parlerent impudiquement, & ſi auant à cauſe de ſa hantiſe familiere auec quelques galās Philoſophes, que le bruict qui en fut faict de uint le conte des iaſeurs, ce qui alla à telle conſequēce, queles plus grands s’en dōnoient des gorges chaudes, & iouoiēt par riſees de ſon honneur cōme d’vne ballotte cōmune, Le Roy qui eſtoit iuſte & deſiroit ſçauoir la verité prit Ardeliſe à temps & lieu propre, & luy dit le bruit qui courroit d’elle, dont elle ſe iuſtifia fort bien, & de telle ſorte que le Roy creut qu’elle eſtoit innocente, & que lon la calomnioit. Elle qui auoit du cœur ne voulut pas laiſſer celà impuni, parquoy elle demanda iuſtice, & y employa biens & credit, mais elle ne peut rien obtenir, à cauſe que les grands s’entreſouſtenoiët, & par prieres on amortit l’affaire le plus qu’il fut poſſible, & n’y eut que quelques petits malheureux qui furent legerement chaſtiez. Mais elle ne ſe contēta pas, ſi que trop irritee, pour venir à bout de ſon intention ſe retira de Frāce & vint en Glind1cee, où elle fut fort bien receuë de l’Empereur de ce temps là, que partout on nommoit le Magnifique, meſmes il la voulut gratifier de ſon aliance, ſi elle euſt voulu : Elle le remercia, luy faiſant entendre que ſes conceptions la tiroient à quelques effects qui