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fortunez. Entreprise II.

Pour maintenir mon ame en ſa parfaite ardeur
Et comme on vous cognoiſt l’vnique deſirable,
On me recognoiſtra l’vnique ſeruiteur.

Mais cela ne la toucha point, car elle leua tout le beau-ſemblant, & parie ne ſçay quel tranſport, me fit paroiſtre l’abus où mō eſpoir me portoit, d’autant qu’ayant receu ce vœu, elle auança ſa main à vn arbre, dont les fruits n’eſtoyent pas meurs, & m’en donna ce qu’elle cueillit, & de-là en auāt ſe manifeſta vers moy tant, & tāt auſtere, que ſes façons me deuindrēt inſuportables. Ces eſclairs là, au lieu de m’obſcurcir m’ont ouuert les yeux, deſquels aperceuāt mon inutile paſſion, & diſcernant clairemēt les fraudes de ceſte Belle, qui ſe vouloit donner quelque vaine gloire à mō deſauantage, ie recueilli mon iugemët, & deliberé de me vanger d’elle, d’Amour & de moy-meſme : Or Belle dedaigneuſe, qui en cet eſcheq perdez plus que moy, qui gaigne ma liberté, & m’arrache d’entre vos doigts inhumains, ſachez que la vengeāce que ie prēdray de vous ne ſera point à mon deſauantage, ie ne feray pas comme ces melācholiques, qui ſe iettēt és ſolitudes ou ſ’enuelopent des habits de penitence ſous ombre de meſpriſer nos belles occupations, & le reſte du monde. Ie n’yray point lamentant pour vos inſolences, ie ne profaneray point ma voix de piteux accens, pour vn ſujet qui ne peut plus eſtre mon bien. Ains ie m’auantageray, & pour vous monſtrer voſtre peu de iugement, à la conſideration de mes merites, ie me rēdray d’vne fortune tāt auguſte & grāde, auec abondāce d’honneurs, que quād vous ſcaurez mes bonnes auātures, vo°