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fortunez. Entreprise II.

Que ie n'eſpereray que pour uous eſperer
Je n'ay rien honoré que vous ma ſeule belle,
Et ie ne fay eſtat que de voſtre beauté,
Toutesfois tout ainſi qu'on traicte vn infidele,
Vous m'auez affligé ſans l'auoir merité.
J'en receu tant d'ennuis, que i'eu preſques enuie
De quitter vos beautéX, & iamais ne les voir,
Oubliant tout deſſein ie deſdaigné ma vie,
Afin de practiquer auec le deſeſpoir.
Comme ie machinois ces deſſeins temeraires,
Mon bon Ange me vint en ces mots appeller,
Les Deſtins ne ſont pas inceſſamment contraires,
Il faut en attendant d'eſpoir ſe conſoler.
I'ay donc patienté, reſolu de pourſuiure,
Receuant à bon-heur ce qui m'en aduiendra,
Auſſi vous honorant tout à vous ie veux viure,
Iamais autre ſouhait mon cœur n'entretiendra.
Soyez fiere à mon cœur, ſoyez rude à mon ame,
Rien ne m'eſtrangera de l'obiet de mes vœux,
Vos beaux deſdains ſerōt l'euantail de ma flame,
Vos fiertez donneront vn doux aér à mes feux.
Retenez mon ſeruice, ou faites la faſcheuſe,
Si ſeray ie pourtant voſtre deuotieux,
J'y ſuis determiné, ma fortune eſt heureuſe,
Soit que ie viue ou meure au deſir de vos yeux.
Quand le temps vous fera iuger de mon merite,
Vous penſerez poſſible à mes fidelitez,
Ainſi qu'on vous cognoit des parfaites l'élite,
Vous me recognoiſtrez parfait en volontez,
Mais ſeray-ie touſiours preſſé de la diſgrace,
Qui vous fait refuſer l'effet de mon deuoir,
Faudra-il qu'à la fin miſerable i'efface
Les deſirs de mon cœr, de mon ame l'eſpoir.