Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
fortunez. Entreprise I.

Mais des deſſeins tracés au iour d’une beauté
La fortune s’auance, & le Temps s’autorise
Auſſi ie ne pretends autre felicité
Que de me conſumier en ma fidelle flame,
Car ie ne recognoy que la ſeule beauté
Qui cauſe, & qui nourrit, ce beau feu dās mon ame.
Je n’ay point de deſir de Fortune ou d’eſpoir,
Que de me diſposer à uous faire ſeruice,
Mediter apres uous, & uous rendre deuoir,
Eſt de mon cœur heureux l’agreable exercice.
Vn doux aër de uos yeux bluettant doucement,
Plus que toutes grandeurs mon ame gratifie,
Je ne vay recherchant autre contentement
Que uiure de ces feux qui font uiure ma vie :
Ma Belle croyez moy que ie n’eſtime rien
Aupris d’auoir l’honneur de uoſtre belle grace,
Seulement le penſer, m’apporte tant de bien
Que tout autre deſir de mon eſprit s’eſface.
Ie ne practique point les Rois pour leur faueur,
Et ie ne diſcours pas ainsi qu’un mercenaire ;
Je ſuis aſſez contant de uous dire l’honneur,
Que i’ay de rechercher ma Belle à uous complaire.

Toutesfois quand les deſtours de mes penſees m’en donnneront le loiſir, & que ie m’auiſeray de preſter mon induſtrie aux geſtes recommandables de quelque Roy qui m’excitera dignement à manifeſter ſes vertus aux yeux du monde, il ny aura rien de galant que ie ne propoſe ; rien de braue que ie ne face briller, & rien de vertueux que ie ne face eſclatter : Et bien que parauanture les paroles que i’en retracerois, fuſſent de petite apparence, ſi eſt-ce que ſous l'humble eſcorce de ma façon de dire on verroit tant reluire de beautez,


A iij