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fortunez. Entreprise I.


on faiſoit cas de ſa ieuneſſe accomplie en prudence : mais ces fleurs ineſtimables ne ſont rien au prix des abondans profits qu’elle peut communiquer auec un abyſme de commoditez à celuy qui pourra l’obtenir. Ces diſcours exciterent les ſouhaits des deſirans, ioint qu’à ceſte auanture eſtoit adiouſté l’acqueſt d’un Royaume eſgal aux plus riches, ce qui donnoit une vehemente pointe à la premiere emotion. Et puis la condition requiſe à tant heureuſe conqueſte, eſtoit commune à pluſieurs ; c’eſtoit tout un de n’eſtre point Roy, n’importoit de ne tenir pas rang de Prince : L’ordre de grandeur ny faiſoit rien, l’eſtat ny apportoit aucune commodité, la race ny eſtoit pas diſcernee : Il n’y conuenoit que de la magnanimité coniointe à une valeur durable, conduite d’vn amour parfaict, animé de piété. A ce bruit nous fuſmes ebranlez & nous aſſemblants pluſieurs curieux aſſez pour employer vn vaſſeau, nous-nous miſmes sur mer. Nous eſtions tous d’une meſme volonté, il ny auoit entre nous aucune enuie, & le reſte des vices auoit eſté si bien arraché que nos ames eſpurees de la lie des malignitez vulgaires, eſtants tous vnis de fidelité, nous voguions vnanimemēt portez au contentement les vns des autres, chacun fourniſſoit ce qu’il auoit d’induſtrie pour le ſeruice de la compagnie ; les actions de tous eſtans temperees de perpétuel reſpect : Ce qui ſe maintenoit de ſi franc zele, que tous en particulier eſperoyēt du bien par l’auancement de celuy qui ſeroit tant heureux que d’obtenir, ſçachās qu’en ſa grandeur il nous communiqueroit ſa felicité, & veroit tous ſes confederez eſgaux à luy-meſme. Quelques-


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