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Le uoyage des Princes


vns s’eſmerueilleront & tireront, en doute comme il se pourroit, que celuy qui iouyroit de la Belle Xyirile en daignait faire part à vn autre ! Nŏ ames de courage ne preſumez pas selon les iniques penſees, & ne preſumez rien icy de deſraisonnables ; Sçachés que celuy qui sera tant heureux que d’auoir ceſte vjerge, pourra sans ſe preiudicier rendre contans & bien fortunez tous ſes amis & les eſgaler à luy, sa Belle ſera toute à luy, & ſes biens & lieſſe n’auront aucun hazard de communité : mais la belle grace de la Dame entretenant son cher fauory ſera tant brillante de lumiere ſur ſes conſors, qu’ils en ſeront ſatisfaits : & la suſſiſance de ceſte accomplie leur fera tant d’ombre de bonheur, qu’ils n’auront deſir que de la magnifier, eſtimer tres-heureux son fidele, & ſe iuger tres-contans de viure en les admirant. En l’aſſeurance de celles certitudes, nous nous laissions emporter aux vents & voguions plainement sur la grand Mer de Triſconie. Tandis que nous estions sur le vaste de ces plaines molles, nous entretenions nos eſprits de ce qui plus nous plaiſoit, & comme l’Amour fut propoſé il aueint que d’vn meſme ſentiment nous conclumes tous à l’honneur de la paſſion pudique qui nous fait ſoupirer apres la felicité, dequoy ayant l’ame tpuchee, ie consolé nos amis en leur chantant cet hymne qui leur fut agreable.

Ne menez plus de bruit trompettes amoureuſes
Qui faites eſclatter un amour uicieux
Nos ames maintenant toutes deuotieuses
Sçauent d’un meilleur aër s’eſleuer sur les cieux.
Jà desiâ nos eſprits meus de belles penſees,
Deſdaignent uos deſſeins, meſprisent uos accens,