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Le uoyage des Princes


toute en ceſt adieu qu'il gliſſa entre ſes mains à ſon partement, apres lequel ſouuent elle conferera cōme s'il luy racontoit la preſence & abſence de celuy dont inceſſamment l'idée l'eſmouuera.

C'eſt faict, ieſuis perdu, ie n'ay plus de courage,
Ie ne recognoy plus comme il faut deſirer,
Vous eſloignant ie ſens au cœur tant de dommage,
Que i'ay preſque perdu le moyen d'eſperer.
Non, ie ne viuray plu, car i'eſloigne ma vie,
Ie ne verrai plus rien perdant voſtre clarté,
Ia mon ame d'ennuis eſt toute enſeuelie,
Et mon cœur affligé tout plein d'obſcurité.
Il vous faut dire adieu, belle ame de mon ame,
Ie ne puis differer ce depart ennuyeux,
Adieu doncques beauté la ſource de ma flame,
Ie dis adieu au iour le diſant à vos yeux.
Je ſuis tout eſperdu, ie n'ay pas l'aſſurance
Te dire cet adieu plus cruel que la mort,
L'abſence auec l'amour font tant de violence
A mon eſprit confus, que i'en ſuis preſque mort.
Je voudrois que le Ciel m'euſt fait ſans cognoiſſance,
Ou qu'il euſt de mon cœur oſté l'effection :
Car ie ne ſerois pas en ceſte impatience,
Troublé de deſplaiſir preſſé de paſſion.
Pourquoi voulut le ciel vous faire ma maiſtreſſe,
Que pour iniquement tiranniſer mon cœur ?
Lors que ie n'aimois rien, ie viuois ſans detreſſe,
Si i'eſtois ſans plaiſir, ie viuois ſans douleur.
Voilà que c'eſt d'aimer. Si vous aimez ma belle,
Vous ſcaurez bien iuger de ces afflictions,
Uous direz bien qu'il n'eſt paſſion ſi cruelle,
Que d'eſloigner l'obiet de ſes affections.
Conſiderez mon cœur, vous le verrez diſſoudre,