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fortunez. Entreprise II.


elle ſe trouua ſurpriſe : car l’amour ſe gliſſa en l’amorce de ces fauorables rayons, & ſe coulant en ſon cœur, meſla ſon precieux venin és arteres qui n’auoient encores eſté batues de cet eſprit. Ceſte excellente humeur luy fit ſoupçonner qu’il y auoit vn contentement caché, quine ſe peut expliquer ; & luy fit remarquer que la ſepa-. ration de Caualiree luy cauſoit quelque dou leur ; elle ſ’en eſmerueilloit, d’autant qu’ils n’a— uoientiamais eſté vnis, elle veut ſçauoir ce que c’eſt, & ce qui plus la reſolut d’en eſprouuer le hazard (d’autant qu’à ſon auis l’emotion de ſon. ame eſtoit Amour) fut la böne grace de ce braue Gentil-homme, dont les ſeruices luy eſtoient. offerts, auec tant de belle diſcretion qu’elle ſe propoſa ce ſuject digne de la ſerieuſe occupa tion de ſon cœur : Luy au ſemblable, iugeant ! les merites de la Princeſſe eſtre au defſus de tou-) · te perfection terreſtre ; delibera pour le bien, de ſon ame de ſe conſacrer derechef à la vertu, · ſous le deſſein de ſeruir fidelement ceſte beauté. Il continuoit le feu dont ſon ame eſtoit toute embraſee, & ne reſtoit que ſe manifeſter à la da me. C’eſt vne paſſion difficile à ſupporter que : l’amour, & principalement quand on eſt con traint de l’eſtouffer en ſes eſprits, ſans le pro duire au iour des yeux aymez. Les plus valeu reux ſont timides, & ſemble qu’il y ait en l’affection vn malheureux reſpect qui empeſche le contentement. Auant que Caualiree eut receu le coup des beaux yeux de Cliambe, il eſtoit audacieux aupres d’elle, il auoit de l’aſ ſcurance pour l’entretenir, & luy rendre mille


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