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Le uoyage des Princes


Le Fortune’. De m’expoſer librement ſi noſtre arriuee en ce lieu, vous cauſe quelque deſplaiſance qui rende voſtre façon (au moins à mon aduis) vn peu contrainte, ce nous ſeroit vn grief deſplaiſir que celà fut, n’ayans intention que d’apporter tout ſeruice où nous nous rencontrons. Ce qui me fait vous en requerir plus inſtamment, eſt que ie crains que nous troublions quelque partie : car comme ie puis iuger, il y a icy quelque beau haſard, ou bien vne couſtume particuliere à ce lieu, & qui ne ſe practique pas autre part, meſmes és autres ports & haures où l’on oit vn grand bruit, on void vne populace meſlee en confuſion, vn amas de toutes ſortes de gens groſſiers & rudes, qui excitent vn murmure deſagreable : & icy nous rencontrons des perſonnes d’honneur vne aſſemblee qui ne denote que modeſtie, vn peuple poly, & vn ſilence diſcontinué parcy, parla de petits bruits raiſonnables & gracieuſement releuez, le tout orné de diuerſes & belles bandes de Dames qui repreſentent toute apparence de vertu. La Dame : Monſieur, puis que noſtre commun bon-heur vous a pouſſez en ces terres, nous ſommes aſſeurees que la iuſte curioſité vous incite à voir & rechercher ce qui peut rendre parfaits ceux qui font profeſſion de l’honneur, parquoy vous pouuez vous aſſeurer d’eſtre les bienvenus : Ce que nous ſommes triſtes n’eſt pas à voſtre occaſion, ou que nous craignions d’eſtre ſurpriſes, bien qu’il nous tourne à deſplaiſir que vous ayez remarqué à la premiere veuë que noſtre viſage fait preuue de quelque alteration interieure : Vous’eſtes en lieu, où ſi nous pouuons, vous receurez