Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/597

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
554
Le uoyage des Princes

_________________________________________________________________


DESSEIN IX.


Diſcours de l’Empereur & de Meliſſe, laquelle luy raconte vne hiſtoire nouuelle, d’Arleone & de ſes amours. Et comme vne fille ayant pris l’habit de gentilhomme, & vn gentil homme l’habit de fille, à la fin ils furent mariez enſemble.



CE beau iour eſtoit employé à vuider de ſemblables cauſes, & l’Empereur auant que ſ’ennuyer ſe leua prenät Meliſſe par la main, qu’il amena auec ſoy pour mener au iardin : A la verité elle eſtoit tant accomplie de beautez, que quiconques la voyant ne l’euſt deſiree euſt efté priué de cœur, auſſi rien n’eſt tant aisé que d’aymer ce qui eſt beau, c’eſt la redite des amans, & ie croy que ce Monarque euſt facilement induit ſes affections à ce beau ſujet, ſi l’vlcere de fon cœur luy euſt permis, ſ’il euſt peu oublier le premier caractere & ſoy-meſme, il euſt tout de laiſſé pour ſ’addonner à aymer ceſte belle qui n’eſt que toute agreable : mais n’ayant vers ce ſuiet autre deſſein que l’entretien commun, deuiſant auec elle, & voulant apprendre de plus en plus des cauſes & effets d’amour pour ſe conſoler en ſon mal, luy demanda : Belle, d’où vient que ce Gentilhomme a perdu vos bonnes graces ? Melisse. Sire, les hommes ont pour la plus part de terribles & eſtranges opinions,