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Fortunez. Entreprise III

Mais bien encores plus qu’elle iouit heureuſe
De ce que la Nature auoit de raretez,
Car il la faut iuger eſtre autant vertueuſe,
Comme on la trouue belle admirant ſes beautez.
Or triomfés de tout, belle & ſage Princeſſe,
Selon voſtre deſir iouiſſez de bon heur,
Quant à moy ie iouis d’honneur & de lieſſe,
Pour ce que ie vous ſuis fidele ſeruiteur.

Fonſteland eſtoit bien aiſe qu’on donnaſt de la loüange à ſa Maiſtreſſe : mais il n’eſtoit pas contant qu’vn autre prit ce tiltre deſtre ſon ſeruiteur, & n’euſt eſté qu’il ſcauoit le courage de la Princeſſe, dont la verité lui eſtoit aſſez apparente, il y eut eu du trouble. Eſtant donques certain de la volonté de ſa Dame, qui viuoit auec luy d’amour mutuelle, & qu’elle l’auoit auerti de la fantaiſie de ce Prince, il le trouua bon, & auſſi iamais elle n’y eut pris plaiſir, ſi celui qui luy eſtoit autant cherque ſon ame, n’y eut conſenti. Fonſteland laiſſant Brancho en ſon opinion, le laiſſa parfaire ce qu’il auoit enuie d’acheuer. Puis il fit ſigne à vne Nymfe qui eſtoit à ſa ſeur Olocliree, laquelle ſ’auança auec vn lut, & pouſſant ſa voix auec l’inſtrument, reſpira ces accens ſur le ſujet de la meſme couleur. L’Empereur pēſöit à ſe leuer : mais oyant iouër & chanter vne belle, eut patience de l’ouïr.

Il n’y a point d’eſpoir tel que mon eſperance,
Il n’y a rien d’egal à mes affections,
Car vous m’entretenez ſous voſtre obeiſſance
Des plus viues ardeurs des chaſtes paſſions.
La conſtante couleur de vos beaux yeux cherie,
Me monſtre le deſſein de ma proſperité,