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Le uoyage des Princes


qu’il pouuoit, en fin ſans auoir moyē de ratraper la ſanté, prit la voye des ames qui ſ’eſchapent, & au depart de ſa vie, à laquelle celle de la Dame tenoit, il ſembla qu’elle voulut la ſuyure, & de fait la pauurette fit ce qu’elle peut en apparēce pour mourir, & voyoit-on à ſon deſplaiſir apparent qu’elle eut deſia voulu eſtre du grand nōbre. Or voyant que s’en eſtoit fait, s’eſtāt determinee aux pleurs, aux regrets, & aux eternelles ombres de l’ennuy, elle fit enbauſmer le corps du defunct, & mettre en vn grād cercueil où il y auoit place pour elle & y vouloit eſtre, mais par la remōſtrāce de quelques gens ſages, elle ſ’en retint, elle fit pourtant mettre ce cercueil ſur vn chariot qu’elle faiſoit tirer auec ſon train, faisāt eſtat du mort, tout ainſi que ſ’il eut encor eſté plein de vie. Elle n’auoit autre ſouci que celui meſme qui la tenoit durant la chere vie de ſon mari tāt aymé, ſon œil eſtoit touſiours ſur ce cercueil, & ſes ſouſpirs eſtoyent terminez où eſtoit le corps tant agreable. Il n’y auoit que neuf iours, que la cauſe de ce dueil extréme eſtoit auenue, que paſſant chemin ceſte demoiſelle vint loger en vn bourg qui ioint le pied de la mōtaigne, & l’hoſtellerie eſt en vn ſpacieux & riche hoſpital, où tout le monde eſt receu, en pauures ceux qui le ſont, & en hoſtes aymables ceux qui ont le moyen de viure ſans ſ’obliger pour le giſte ou le repas ; En ce ſpacieux logis il y a vne retraite de gēs religieux, obſeruateurs du Celibat, leſquels prenĕt le ſoin de viſiter les malades, conſoler les affligez, ſoulager les eſtrangers, & ſuruenir aux autres neceſſitez de corps& d’eſprit qui peuuēt aduenir aux paſſans,


entre ces