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Le uoyage des Princes


mēt de voir & ouyr plaider les Amans, ie voyois la maiſtreſſe auec l’Amant, & moy qui n’ay pas moins de beaux deſirs, i’oy mes ſouſpirs eſtre raportez au vray, ie reſſen ma propre paſſion ſe mouuoir en mō ame, & ie ne voy point celle qui cauſe ma flame, ceſte beauté tant deſiree, tant offencee, tant inuoquee à pardon, ne paroiſt point. il eſt vray, i’ay receu vn grand contentement, & qui m’allegeoit beaucoup, quād i’ay entendu les fotunes de tant de cœurs menez diuerſemēt par l’amour, & leurs trauerſes ont ſoulagé ma peine, deſtourné ma grande melancholie & vn peu refait mō cœur, mais c’eſt ſans aporter fin à ma calamité. Si les yeux de ceſte belle ne reuienĕt ralumer ma vie, que me ſeruira de propoſer mon cœur ouuert en voſtre preſence : mais bien pour faire deuoir comme vray Amant, ie veux expoſer le ſerment de fidelité que ie lui iuray, la priāt de m’aymer. Page, repetez-le comme il fut ſouſpiré chez la Fee, & y ioignez la meſme induſtrie, cōme lors vous y futes dreſſé, le Page adōc chanta.

I’arreſte icy ma fortune eſtablie,
En m’obligeant à vos perfections,
Car ie n’ay plus d’autres intentions,
Ne d’autre obiet qui releue ma vie.
Mais auiſez douce Belle accomplie,
Qui m’acceptés en mes deuotions,
De faire eſtat de mes affections,
Et vous ſerez fidellement ſeruie.
En m’attirant par tant d’heurevx appas.
Ie uous ſupply ne me ſeduiſez pas,
Mais traitez moy comme ie le merite,
Uiuant ainſi, ce ſera veſtre honneur,