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Le uoyage des Princes


porte à quelqu’vn, comme il auient és temps commodes, ie ſuis aſſeuré d’auoir du plaiſir, car ie m’attens que celuy qui entrera, ny viendra pas pour faire mine de ſtatue ains d’homme, dont il rapportera quelque remarque, affin que ie le recognoiſſe tel : ſ’il me dit quelque choſe que ie ne ſçache pas, i’augmente d’autant, ſi ie le ſçay, ie m’eſgaye en le rememorant, & iamais aucun ne ſortit qu’il ne s’en allaſt auec quelque contentement, ſ’il a eu l’eſprit de le comprendre. Telle eſt la façon de ma vie, qui comme ie croy, n’offence perſonne. Ie paſſe en outre mon temps aux belles inuentions, que ie croy eſtre de moy : que ſi quelqu’vn les a euës deuant, he ! bien ça eſté qu’il a eu le meſme proiect, auſſi à dire vray, inuenter eſt apprendre ſans maiſtre, & adapter ſon eſprit à l’idee veritable, & non feinte : car tout eſt és premieres idees, & partant il ny a pas moyen d’inuenter abſolument ou en penſer autrement, que ce qui eſt pourvenir à chef, parce qu’on ne peut changer ou corrompre ce qui eſt determiné. Qu’ainſi ne ſoit, qui eſt-ce qui pourroit eſtre tant habile és nombres, qu’il peuſt les changer & faire vn autre terme que dix ? en la muſique vn autre que huict ? voila comment ie vay ſuyuant ce qui eſt, le deſcouurant au pris que ie le rencontre par mon propre ſoin. Faiſant icy de meſme que quand ie frequentois les peuples vulgairement, & viuāt d’egale façon ſans poſſeder que ce qui eſt à autruy, & à moy par adaptation : Auſſi ie n’eus onques rien à moy de propre aſſemblé, mais ie l’auois eſpars : car Dieu m’en-