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fortunez. Entreprise IV.


uoyant au monde y ſema mon bien, ſi qu’il eſt meſlé en celuy de pluſieurs, qui quelques fois me l’ont rendu ſans y penſer, & vous meſme Sire, par haſard me laiſſez ce propre dōt ie ioüis, & vous ne ſçauez pas qu’il eſt à moy, ſans que la loy eſcrite en voſtre cœur vous y induict. Telle eſt ma vie & a eſté, & ie diray vray en diſant comme pour derniers propos

J’eſtois en pauureté extréme
Alors qu’au monde ie naſquis :
En mourant, ſi ie ſuis de meſme,
Ie n’auray perdu ny aquis.

Il ſembloit que ce fuſt par eſprit d’intelligence qu’il parlaſt ainſi pour acheuer ſon diſcours ; car auſſi toſt le murmure de la reuenue de l’Empereur nous fiſt changer d’ouye : à l’inſtant Fonſteland paſſant par la petite porte emmena Lofnis. La grand tapiſſerie fut tendue & la Souueraine ſe remiſt en ſa place, affin que l’Empereur entrant il vit tout en l’eſtat qu’il l’auoit laiſſé. Et Fonſteland qui auoit deſtourné Lofnis pour la bien-ſeance (elle ſçauoit bien tout)l’en tretenoit ainſi ; Madame depuis que ie ſuis vo ſtre, & que le cœur vous a iugé que ie deſire paroiſtre tout loyal au ſeruice que ie vous doy, n’auez vous point remarqué que vous eſtes la reigle de mes penſees & la loy de mes actions ? n’auez vous pas recognu que ie deſpens de vous ſeule qui eſtes l’ame dont ie ſuis vn petit organe : vous l’entendez bien, car vous auez tant de iugement qu’il n’eſt pas poſſible que les bluettes de mon feu qui ſintillent de voſtre lumiere, ne vous aient fait diſcerner ce qui vous


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