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fortunez. Entreprise I.


dit, eſt-ce feinte où verité, ie vous prie Belle dites moy qui vous eſtes : En ce trāſport ne pēſant qu’à ce qui eſt deuant lui il lui tend la main, & prend la ſienne lui donnāt courage de parler, alors elle dit, Sire, ie ſuis ce qu’il vous plaiſt, bien que i’ay eu l’honneur d’eſtre voſtre pauure & deſolee eſpousſe : puis qu’il vous a pleu me faire telle ; Ie ſuis Feriſtee l’infortunee, qui vient en toute humilité, vous demander pardon du mal que vous ſouffrez à mon occaſion ; donques, Sire, que voſtre œil miſericordieux ſ’adouciſſe vers ceſte temeraire, qui vous a tant cauſé de detreſſes, & ſ’il y a en vous quelque ſouuenance de m’auoir daigné aymer, qu’il vous ſoit agreable de me receuoir à mercy : Roſolfe ayant conſumé tout le fiel de ſon courage, à bras eſtendus la veint releuer, & l’embraſſant de tout ſon cœur lui dit : Ce peut-il faire que ce ſoit vous, chere Feriſtee. Eſt-il vray, que mes yeux ayent deuant eux le plus doux ſujet de leurs bonnes delices, & que ie ſente en ma preſence celle qui fut le motif de mes plus belles penſees ? Celle que trop malheureuſement inconſideré, i’ay voulu ruiner, celle que ie croyois auoir depiteufement defaite, pour m’eſtre voulu indignement venger ? Pardon belle pardon, c’eſt moy qui ay peché, ie t’ay trop offencee, ie te prie que le paſſé ſoit oublié, releue toy mon bien, & te leue pour eſtre chere cōpaigne de celui qui n’eſperoit plus ce bonheur, & qui te ſera ſi fidele en t’aymāt que tu oublieras ſes cruautez. En ce contentement il ſouleue ſa deſiree femme, & pour luy faire paroiſtre qu’il eſtoit meu de iuſte repentance & animé de parfaicte ioye, il dreſſa tournois, ordon-


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