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histoire du portefaix…
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meure, le sommeil alors se fâcha contre moi et me délaissa ! »

Ils me répondirent : « Qu’as-tu fait, notre ami, toi, que nous savions être de ceux qui marchent dans la voie droite et sûre ? Dis-nous qui a pu ainsi t’égarer. »

Je leur dis : « Ce n’est point moi, mais elle qui vous éclairera ! Moi, je vous répondrai toujours que mon sang, tout mon sang, lui appartient. Je vous répondrai toujours que je préfère de beaucoup le répandre pour elle que le garder en moi dans sa lourdeur !

J’ai choisi une femme pour, en elle, mettre mes pensées, mes pensées qui reflètent son image même ! Aussi, si je chassais cette image, je mettrais le feu à mes entrailles, le feu dévorateur.

Vous m’excuseriez en la voyant ! Car Allah lui-même a orfévré ce bijou, avec la liqueur de vie ; et, avec ce qui est resté de cette liqueur, il a formé la grenade et les perles ! »

Ils me dirent : « Trouves-tu vraiment, ô naïf, dans ton objet aimé, autre chose que des plaintes, des pleurs, des peines et de rares plaisirs ?

Ne sais-tu qu’en te regardant dans l’eau limpide, tu ne verrais plus que l’ombre de toi-même ! Tu bois à une source où l’on est rassasié avant d’avoir pu la goûter seulement. »

Je leur répondis : « Ne croyez point que c’est en la buvant que l’ivresse m’a tenu, mais c’est en la regardant seulement ! Et cela seul a chassé à jamais le sommeil de mes yeux !

Et ce ne sont point les choses passées qui m’ont