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histoire du portefaix…
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langue devienne inutile ! Mes yeux seuls te recèlent les secrets recelés dans mon cœur !

Quand tu m’es apparue, les douces larmes ruisselèrent, et je me fis muet : car mes yeux te parlaient assez de ma flamme !

Les paupières, en clignant, nous expriment tout sentiment ; et nul besoin, pour l’intelligent, de l’usage de ses doigts.

Nos sourcils nous tiennent lieu de toutes les autres choses. Silence donc ! et laissons la parole seulement à l’amour.

Alors la jeune femme comprit et mes signes et mes vers, et elle jeta de ses mains le sabre de l’éfrit. Alors l’éfrit prit le sabre et me le tendit et me dit : « Coupe-lui le cou, et je te relâcherai et je ne te ferai aucun mal ! » Et moi, je dis : « Oui ! » Et je pris le sabre, et je m’avançai courageusement, et je levai le bras ! Alors elle me dit, en me faisant signe avec ses sourcils : « Moi, ai-je lésé tes droits ? » Alors mes yeux furent remplis de larmes, et je jetai de mes mains le sabre et je dis à l’éfrit : « Ô puissant éfrit, ô héros robuste et invincible ! si cette femme était, comme tu le crois, de peu de foi et de raison, elle aurait trouvé licite la chute de ma tête coupée ! Or, au contraire, c’est le sabre lui-même qu’elle a jeté loin d’elle. Comment donc pourrais-je, à mon tour, trouver licite de lui couper le cou, surtout étant donné que jamais je ne l’ai vue avant cette heure-ci ? Donc, jamais je ne commettrai cette action, même si tu devais me faire boire la coupe de la mauvaise mort ! » À ce discours, l’éfrit s’écria :