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un mot du traducteur à ses amis

cale ou Baghdad ; dormi sur la natte immaculée du Bédouin de Palmyre ; rompu le pain et goûté le sel fraternellement, dans la gloire du désert, avec Ibn-Rachid somptueux, ce type net de l’Arabe authentique ; savouré tout l’exquis d’une causerie de simplicité antique avec le pur descendant du Prophète, le chérif Hussein ben Ali ben Aouri, émir de la Mecque Sainte, — a pu noter l’expression des physionomies pittoresques réunies. Unique, un sentiment tient toute l’assistance ; une hilarité folle. Elle flambe par saccades vitales aux sorties les plus libres de l’héroïque conteur public gesticulant, mimant, sautant et bondissant entre les spectateurs épanouis… Et la griserie vous saisit, suscitée par les mots, par les sons, par la fumée ou l’aphrodisie de l’air, par la subodeur discrète du haschich, don dernier d’Allah !… Et l’on est navigateur aérien dans la nuit…

Là, on n’applaudit point : ce geste barbare, inharmonique et féroce, ce vestige indéniable des races caraïbes ancestrales dansant autour du poteau de couleurs, et dont l’Europe a fait le symbole de l’horrible jouissance bourgeoise tassée sous le gaz, est essentiellement inconnu.

L’Arabe — à une musique, notes de roseaux et de flûtes, à une plainte de kânoun ou d’oûd, à un rythme de darabouka profonde, à un chant de muezzin ou d’almée, à un conte coloré,