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les mille nuits et une nuit

Pendant ce temps, les maris de mes sœurs se ruinèrent et perdirent toutes leurs marchandises, et s’en allèrent en abandonnant leurs femmes à elles-mêmes au milieu du pays des étrangers. Et mes sœurs endurèrent toutes les misères et finirent par arriver chez moi sous l’aspect de pauvres mendiantes. À la vue de ces deux mendiantes, je fus loin de reconnaître en elles mes sœurs, et je m’en éloignai. Mais alors elles me parlèrent et je les reconnus et je leur dis : « Comment se fait-il, ô mes sœurs, que vous soyez en cet état ? » Elles me répondirent : « Ô notre sœur, les paroles maintenant ne peuvent plus servir de rien, car le calam a couru sur ce qu’avait ordonné Allah ![1] » À ces paroles, mon cœur fut plein de pitié pour elles, et je les envoyai au hammam, et je vêtis chacune d’elles avec une belle robe neuve, et je leur dis : « Ô mes sœurs, vous êtes les deux grandes et moi je suis la petite ! Et je vous considère comme me tenant lieu de père et de mère ! D’ailleurs, l’héritage qui m’est revenu comme à vous autres a été béni par Allah et s’est accru considérablement. Vous en mangerez avec moi le fruit, et notre vie sera respectable et honorable, et nous serons désormais ensemble ! »

Et, en effet, je les comblai de bienfaits, et elles demeurèrent chez moi durant la longueur d’une année complète, et mon bien était leur bien. Mais, un jour, elles me dirent : « En vérité, le mariage vaut mieux pour nous ; nous ne pouvons plus guère nous en passer, et notre patience, ainsi seules, est épuisée. » Alors je leur dis : « Ô mes sœurs, vous ne trou-

  1. C’est le « c’était écrit ».