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les mille nuits et une nuit

durant tout le temps, il ne put s’empêcher de contempler Agib ; et il le regardait d’une façon si extraordinaire et si persistante qu’Agib, gêné, lui dit : « Allah ! quel amoureux importun et gênant et lourd tu es, bon homme ! Je te l’avais déjà reproché ! Cesse enfin de me contempler de la sorte et de dévorer ainsi ma figure avec tes yeux ! » À ces paroles Badreddine répondit par ces strophes :

J’ai pour toi, au plus profond de mon cœur, un secret que je ne puis révéler, une pensée intime et cachée que jamais je ne pourrai traduire par les mots !

Ô toi, qui couvres de confusion la brillante lune fière de sa beauté, qui fais honte au matin et à la brillante aurore, ô toi figure radieuse !

Je t’ai voué un culte sans paroles, je t’ai voué, ô vase d’élection, un signe immortel et des vœux qui ne font qu’augmenter et embellir !

Et maintenant, tout entier je fonds en brûlant ! Ton visage, c’est mon paradis ! Sûr ! je vais mourir de ma soif ardente ! Et pourtant, ô toi, tes lèvres pourraient me désaltérer, et me rafraîchir de leur miel !

Après ces strophes, il en récita d’autres aussi belles, mais d’un autre sens, à l’adresse de l’eunuque. Et il continua ainsi, pendant une heure, à réciter des vers, tantôt à l’intention d’Agib, tantôt à l’intention de l’eunuque. Après quoi, comme ils s’étaient bien rassasiés, Hassan se hâta de leur porter tout ce qu’il fallait pour se laver